Rugbyman au Sporting Club d'Angoulême, Gilles Rabet a aussi connu d'autres sensations : celles du football américain. Il sera rivé à sa télé dimanche à minuit pour suivre le Superbowl, l'événement sportif de l'année aux USA.
Gilles Rabet souffre de drôles de démangeaisons. Les symptômes apparaissent généralement lorsque l'homme est installé devant son écran de télévision, branché sur les programmes câblés. La crise atteint son paroxysme lorsque des chevaliers des temps modernes, casqués et harnachés, grands et gros étudiants américains, s'affrontent sur un terrain.
Le bon docteur Eddy, qui consulte tous les dimanche soir sur Canal Plus, a dans ce cas un excellent remède, efficace à cent pour cent. Il faut se munir d'un casque, d'une carapace... et s'inscrire le plus rapidement possible dans un club de football américain.
Gilles Rabet a déjà suivi ce traitement de cheval en 1986. "J'ai découvert le football américain par l'intermédiaire d'un copain de mon père lui-même joueur, et puis aussi par la télévision bien sûr. J'attendais avec impatience mes dix-huit ans, l'âge minimum à l'époque pour la pratique du foot US"
Parisien de naissance, Gilles Rabet avait déjà une assez longue expérience du rugby, mais avait envie de connaître autre chose. C'est aux Castors de Paris, équipe vedette de la fin des années 80 et trois fois championne de France - que Gilles Rabet a signé. Il y restera près de deux saisons, avant de partir à l'armée et de revenir au rugby par l'intermédiaire du Sporting Club d'Angoulême.
"J'ai commencé en défense où mon rôle était de sacker (plaquer) le quaterback (meneur de jeu adverse). Puis je suis passé en attaque, d'abord receveur, puis running back (coureur)". Ce dernier poste a comblé les envies de contacts du jeune Rabet...
"J'aime les sports collectifs où il y a des contacts. S'il n'y en a pas, ça ne m'intéresse pas" avoue-t-il en riant.
Au football américain, Gilles Rabet a trouvé une super ambiance "C'était fou..." - et de nombreux rugbymen. "Ceux qui ont joué au rugby avant de faire du foot US ont moins de problèmes pour s'y mettre". Il y a effectivement quelques ressemblances, mais en fait, c'est très différent. Au football, tu n'as pas le droit d'être créatif. Tu dois respecter à la lettre les consignes tactiques qui te sont données".
Car si au football américain les règles de base sont moins compliquées qu'il n'y parait, l'aspect tactique est, lui, particulièrement pointu "Toutes les combinaisons annoncées par le quaterback sont apprises par cœur. Rien n'est laissé au hasard. Tout est programmé. Et si un seul joueur ne fait pas correctement son travail, c'est toute l'action qui foire. Cela implique une énorme solidarité et demande un timing impeccable. C'est impressionnant de voir par exemple une brèche qui s'ouvre dans la défense adverse, juste au moment où tu arrives..."
" Quand tu as compris qu'avec les protections tu ne risques rien, tu t'en donnes à cœur joie ! "
Brèche ouverte ou pas, il faut de toute façon foncer dans le tas, ce qui n'était pas pour déplaire à Gilles Rabet "Quand on a bien assimilé qu'avec les protections on n'a rien à craindre, on s'en donne à cœur joie !"
Pour sa première saison de football américain, le nouveau running back a connu la joie suprême : disputer et gagner 1 Casque d'or (la finale du championnat de France de première division) en 87, premier des trois titres consécutifs des Castors. "On a joué devant 4 000 personnes à Jean Bouin. On a gagné 75-0 devant les Jets de Paris. J'ai marqué un touchdown (un essai). C'était fantastique, fabuleux !" D'autant plus fabuleux que Gilles Rabet a participé au début de l'écrasante domination des Castors de Paris.
"Nous n'avions pas vraiment de coach. On était une bande de copains et on ne se prenait pas au sérieux, contrairement aux Spartacus ou aux Anges Bleus par exemple" On s'entraînait deux fois par semaine : une première fois en gymnase où on ne faisait que du physique ; le deuxième entraînement, tactique, s'effectuait par lignes"
Aujourd'hui, le rugby a repris le dessus. "je suis très satisfait de jouer au plus haut niveau" explique Gilles Rabet, qui ne manque pourtant jamais une occasion de revivre les sensations du foot US par l'intermédiaire de la télévision. "Mais plus j'en vois, plus j'ai envie d'y rejouer" ajoute ce fan des Giants de New -York, des Bears de Chicago, des Redskins de Washington et des Broncos de Denver. Le trois-quart du SCA a d'ailleurs gardé son équipement... Au cas où ! Il est même prêt à faire profiter de son expérience un club qui verrait le jour dans le coin.
D'ici là, Gilles Rabet aura peut être l'occasion d'aller voir un match aux Etats-Unis ce qu'il n'a jamais pu faire jusqu'à maintenant. "J'en rêve". Il vivrait ainsi de plus près la formidable aventure de Richard Tardits, ce rugbymen de Biarritz qui est devenu le premier et seul Français professionnel de football aux States, aux Cardinals de Phoenix d'abord, aux Patriots de Boston cette saison. "C'est très fort ce qu'a fait Tardits" apprécie " Gillou " "Il a dû en chier. C'est un véritable exploit et ça n'est sans doute pas près de se reproduire..."
Faute de voyage aux USA programmé sur son agenda, Gilles Rabet se consolera demain soir devant la télévision en dégustant, minute par minute, la retransmission en direct par Canal Plus du Super Bowl. Gare aux démangeaisons !
Article paru dans la Charente Libre du 26 janvier 1991
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