8 avril 2005

 Stéphane Lefebvre 

Plus de 5 ans après avoir remis au placard son casque doré du Rouge et Or de Laval, le québécois Stéphane Lefebvre l’a remis en signant en début d’année 2005 aux Argonautes d’Aix-en-Provence.

Ce RB qui nous vient d’outre-atlantique est une authentique star universitaire canadienne. Il a remporté en 1999 la Coupe Vanier (décerné au champion universitaire Canadien), en étant le MVP des phases finales et de la finale. Normalement drafté en CFL (5° Tour) par les Toronto Argonauts, une histoire de copinage fait échouer l’affaire ... 

Ce joueur très sympathique, qui prône le jeu collectif, qui ne regarde pas ses stats et qui mêle de front football américain et administration de base de données a accepté notre interview.

Découverte d’un type de joueur en voie de raréfaction !


Interview

Tu as déclaré sur le site RDsite (www.rds.ca) en décembre 1999 : « (...) je n’ai pas été encore approché par des clubs professionnels et si ça ne débouche pas, bien je pense peut être me diriger vers une équipe de la France pour y jouer une année et du même coup voyager ». Mission accomplie ! Pourquoi avoir choisi la France ?

Le football en Europe pour nous les Franco-québécois, c’est la place idéale. En premier, c’est l’attraction touristique, ensuite il y a aussi la langue, mais encore, surtout aussi parce que c’est le marché le plus connu pour les footballeurs québécois. Chaque année on entend parler de joueurs universitaires du Québec qui sont allés « vivre » un trip de foot chez nos cousins français. 

Retour en arrière : 1999, Le Rouge et Or de Laval remporte le titre universitaire, tu es élu MVP de la finale. Que se passe-t-il dans ta tête ? Est-ce difficile d’enchaîner sur ton année senior juste après ?

Il ne se passe pas vraiment grand-chose de différent dans ta tête ! MVP ou pas, ce que l’on venait d’accomplir en équipe était incroyable et on essaie juste d’en prendre conscience pour bien vivre ce trip.

Seulement, comme après chaque saison, tu tombes dans une espèce de petite dépression ; tu te retrouves avec beaucoup plus de temps que ce à quoi tu es habitué, tu ne sais pas quoi en faire, l’équipe te manque, l’ambiance des rencontres te manque, l’adrénaline, le support de la foule, même les pratiques dans un certain sens te manquent.

Mais après un certain temps, tu t’y fais. Même en 1999 ce fut le cas. Puis ensuite, est venu le temps de réfléchir si je revenais avec le Rouge et Or pour une 4ème année, si j’essayais les Pros ou si je partais tenter ma chance ailleurs comme en France.

Le destin a fait en sorte que je revienne jouer une 4ème année avec le Rouge et Or. Ce fut un excellente saison, 8 victoires, aucune défaite. Par contre, on s’est incliné en finale de division contre Ottawa. 

En cherchant des informations sur toi, j’ai fréquenté le forum www.cisfootball.org et j’ai été surpris de voir que les fans de Laval parlent de toi de cette manière : « C’était surtout un joueur de playoffs (séries éliminatoires), qui jouait avec beaucoup de cœur et d’émotion lors des matchs importants » (merci au Vengeur masqué !). Est-ce que ces propos collent au personnage ?

J’ai toujours été quelqu’un qui produit sous pression, peu importe la discipline. J’aime quand les attentes sont hautes envers moi et j’aime surprendre le monde. Alors, quand j’ai la chance, je fais tout pour ne pas décevoir…

Peux-tu nous expliquer rapidement l’organisation du football américain au Canada (du collège à l’université) ?

En fait, le football est divisé en 2 catégories au Québec : il y a les ligues scolaires et les ligues civiles. Les ligues scolaires sont celles qui sont reliées aux écoles. Pour y jouer, tu dois obligatoirement fréquenter cette école. 

Les ligues civiles quant à elles sont plus reliées à une ville ou organisation, un peu comme le foot ici en France. Dans les 2 niveaux, tu peux commencer à y jouer environ vers l’age de 5 ans.

Le scolaire se termine après ton passage au niveau universitaire tandis que le civil, tu peux y jouer jusqu'à ce que ton corps te le permette ! Pour ma part, j’ai toujours joué que dans le niveau scolaire. J’ai commencé le foot à l’âge de 14 ans, à l’école secondaire, puis ensuite, je suis passé au football Collégial, au Cégep du Vieux Montréal de 1994 à 1996, et finalement, à 19 ans, en 1997, j’ai fait le saut Universitaire avec le Rouge et Or pour y jouer 4 saisons. Au Canada, tu as le droit de jouer 5 saisons de football à l’université. Au Collégial c’est 4 saisons avec une limite en âge. Pour le secondaire, tu es restreint par l’âge uniquement. 

En 2000, tu as mis un terme à ta carrière de joueur de football américain pour privilégier ta vie professionnelle (NDLR : en informatique). Dans le même temps, tu crées un programme de football dans un lycée Canadien en tant qu’Head-coach. Après 5 ans d’absence est-ce que ce retour sur les terrains a été facile ? 

J’ai toujours gardé la forme. Après ma saison de foot, je jouais au hockey l’hiver tout en pratiquant l’escalade. Puis l’été, je jouais au Flag Football.

Depuis 1 an, je faisais de la boxe intensément (NDLR : 2 combats en boxe olympique, 2 victoires avant la limite ...) puis je m’entraînais en salle en plus de courir. Quand j’ai su que je venais à Aix, j’ai redoublé mes efforts en salle pour être prêt physiquement pour la saison. J’avais donc confiance que ça se passerait bien.

Mais je dois avouer que j’ai été surpris moi-même par l’exécution et la lecture de mon jeu. Je ne m’attendais pas à ce que ça se fasse aussi facilement et rapidement. Le point où je vois le plus que j’ai perdu, c’est dans la réception du ballon sur les passes et je dois avouer aussi, sur la vitesse. Je n’ai pu les jambes que j’avais !!! ?

A la fin de ta carrière tu aurais dû être drafté par les Toronto Argonauts (CFL) et finalement tu joues en France pour les Argonautes ... tiens-tu ta « revanche » ?

? Non pas du tout. Je dois avouer que mon premier choix pour la place était ici à Aix-en-Provence, sur la côte d’Azur. La température y est incroyable à ce que l’on disait et je savais aussi qu’il y avait une bonne équipe.

Par contre, mon premier choix initialement, était d’aller rejoindre mon ami de longue date, Cédric Cotar avec les Spartiates d’Amiens. Mais ils n’avaient pas le budget pour un autre joueur étranger donc ça n’a pas marché. Le hasard a fait du même coup que les Argonautes cherchaient un RB/FB, poste que je pouvais remplir.

Tu joues dans une grosse cylindrée du championnat de France (8 fois champion de France, 16 finales consécutives). Après la retraite de quelques cadres (Jody Panagiotis, etc.), les Argonautes semblent coincer cette année même si les défaites sont courtes. As-tu un début d’explication ?

Il n’y a pas vraiment d’explication… C’est clair que l’équipe est jeune et que de bons piliers sont retraités, mais la chance ne nous a pas beaucoup souri jusqu'à présent et des blessures et des absences nous ont ralenti et nous ont coûté cher dans les moment cruciaux. 

Comment évalues-tu le niveau du championnat de France par rapport au championnat universitaire canadien ? Quelles en sont les grandes différences ?

C’est dur de comparer et je ne veux pas dénigrer le Foot en France. En gros, c’est la mentalité des gens dans l’équipe et aux alentours de l’équipe qui est très différente par rapport à chez nous. De plus, que vous soyez pas reliés à une école où là, les présences aux pratiques sont obligatoires, fait en sorte que c’est dur pour les joueurs d’être à un certain niveau uniforme dans l’équipe et pour les coachs de bien faire évoluer chacun des joueurs. 

Quand on regarde tes stats, on n’imagine pas un seul instant que tu as arrêté le football américain pendant 5 ans ... 8 matchs, 9 TD, presque 300 yards en course (NDLR : statistiques au Week 8) ... quelle efficacité ! Quel est ton secret ?

Il n’y a pas de secret. Le foot, c’est le foot. Si tu es prêt physiquement, tu comprends bien ce qui se passe, tu analyses les jeux, et que tu donnes les efforts qu’il faut, tu auras des résultats.

Le reste dépend de l’équipe avec qui tu joues (on est quand même 11 sur le terrain), et aussi du genre d’athlète que tu es.

Que retiens-tu pour l’instant de ton année en France ?

Le foot est sur une bonne voie. Le calibre est bien et le sérieux que les organisations y mettent rendent le potentiel énorme. Là où il faut travailler, à mon humble avis, c’est dans la quantité de joueurs par équipe.

Plus tu as de joueurs, plus tu as de bons athlètes. Et plus tu as de bons athlètes, plus le niveau de jeu augmente. Si un joueur de talent a son poste de titulaire assuré à chaque semaine, il peut avoir tendance à prendre des entraînement relax et ainsi, il manque une chance de s’améliorer. Tandis que si chaque semaine tu dois te battre pour obtenir ton poste, l’intensité que tu donneras à chacune des pratiques fera en sorte que tu deviendras un meilleur joueur et cela en sera ainsi pour chacun de tes coéquipiers. Voilà une des raisons, en autre, qui fait que le football est si fort aux Etats-Unis.

Où te vois-tu l’année prochaine ? joueur ? coach ? en France ?

Pour l’instant, je n’en ai aucune idée ! Si je reviens en France, ça serait sûrement que pour coacher. Je suis rendu au stade où je me sens plus utile à coacher qu’à jouer. Sinon, je coacherai sûrement quelque part au Québec.

De plus, j’aime bien enseigner, donner des trucs, expliquer et dans un certain sens, jouer la partie d’une autre façon. Au Québec, j’ai gagné quelques rencontres par des décisions que j’ai prise à des moments cruciaux dans des matchs en tant qu’entraîneur, et la sensation de cela est vraiment unique.

Il y a 3 Canadiens qui jouent cette saison en Elite (NDLR : les 2 autres jouent aux Black Panthers de Thonon-les-Bains), à ton avis quelle est la force d’un joueur Canadien par rapport à un joueur américain tout droit sorti de NCAA ?

Très dur à répondre… D’après moi, ce qui peut avantager un Canadien sur un Américain, c’est que nous au Canada, on joue un système de foot à 3 essais. Donc, le jeu est plus centré sur la passe que sur le sol. A ma position, c’est sûr que je suis plus habitué sur la protection de passe que peut peut-être un américain.

Pour le reste, ce n’est pas un secret que de dire que le niveau de Foot au Etats-Unis est plus fort qu’au Canada. Le bassin de joueur n’est pas le même et les moyens pour les écoles non plus.

Le mot de la fin est pour toi ... sache que les nombreux fans du Rouge et Or de Laval que j’ai contacté attendent avec impatience de lire ton interview ...

J’apprécie vraiment l’expérience que je vis présentement en sol Français. C’est très enrichissant sur le plan culturel mais aussi sur le plan personnel.

La différence des cultures nous permet de mieux saisir la mentalité caractérielle de nos 2 peuples et aussi de pouvoir mieux s’identifier. Aix en Provence est une superbe ville que je me permettrai sûrement de revenir visiter un jour de façon plus touristique. Il est clair qu’à mon retour au Québec, je vais tenter de vendre l’idée à quelques amis. Du même coup, je suggère aux joueurs Français de faire comme certains l’on déjà fait, Pépé Esposito, Cédric Cotar, Sébastien Sejean, c’est-à-dire de venir vivre l’expérience du football au Québec.

À long terme, cela ne peut qu’être bénéfique pour tous les joueurs Français surtout lorsque l’on voit le chemin que ceux-ci ont réussir à accomplir après leur séjour en sol Québécois. 

Merci.

Tous nos remerciement à Stéphane Lefebvre qui a accepté de jouer le jeu tant du point de sa franchise, que de sa disponibilité.

Un grand merci au Vengeur masqué from Butcher Town, QC du forum www.cisfootball.org !

Florian Thiery
 

CV express
Stéphane Lefebvre -RB # 6
Canadien, 28 ans
Né à Berthierville, Quebec
College : Laval University' 00 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire