Coach depuis 54 ans (oui 54 ans ! ) à l’université St John dans le Minnesota (à ne pas confondre avec celle du même nom à New York City) il a coaché 4 équipes championnes nationales de NCAA DIV3 (la dernière en 2003), auxquelles on peut rajouter une équipe finaliste et 6 demies finalistes. Cette saison St John U. a encore atteint les ¼ de finale nationaux. Au passage SJU a glané 28 titres de champion de conférence et 39 rankings sur les 40 dernières saisons dans le top 20 national en fin d’année.
Déjà membre du « College Football Hall of Fame » (Class of 2006), il a également déjà été honoré par ses pairs qui ont donné son nom au trophée annuel remis au meilleur joueur de Div 3 (le Gagliardi Trophy).
Son équipe 1993 détient un record qui ne sera probablement jamais battu : Une moyenne de 61.5 points marqués par match
Sa carrière de coach débuta à l’âge de 16 quand l’entraîneur de son équipe de lycée du partir faire la guerre 39-45 ! Il repris les commandes de l’équipe et remporta 4 titres de conférence. A Carroll College, son premier poste de coach NCAA il fut aussi un brillant coach de l’équipe de basket et de base-ball et à SJU il a aussi remporté des titres de conférence en tant que coach de l’équipe de hockey et d’athlétisme ! Fait unique sans doute dans l’histoire du sport il a coaché à St John University un joueur et son …petit fils quelques décennies plus tard !
Les fans des Johnnies ne se lassent pas de ces saisons historiques à répétition (dernière saison avec une fiche négative : 1967 !) , ces 5 dernières années St John U a eu les meilleures moyennes de spectateurs de toute la Div3.
Et à 80 ans il ne veut toujours pas entendre parler de retraite….
John, comme il se fait appeler par ses joueurs nous a fait l’immense plaisir de répondre à nos questions :
Vous avez commencé votre carrière à l’âge de 16 ans, est ce que vous vous saviez déjà si tôt que ce serait le boulot de votre vie ?
Non, pas vraiment ! En fait j’étais un joueur comme les autres dans l’équipe de mon lycée. Quand notre coach a du partir faire la guerre, je me suis retrouvé coach par hasard. On a eu des bons résultats et j’ai commencé à me dire que ça pourrait être une bonne manière de continuer à faire partie d’une équipe quand je ne pourrai plus être joueur… L’histoire de toute ma vie c’est ça : J’aime le football !
Vous avez coaché non seulement des équipes de foot US mais aussi des équipes de base-ball, de basket, de hockey et même d’athlétisme, chaque fois avec beaucoup de succès, est ce que votre méthode est applicable à tout les sports ?
Je ne sais pas. Probablement. Je crois que le coaching ce n’est pas une question de méthode ou plutôt que c’est à chaque coach de trouver la méthode qui lui convient. Il y a des tas de façons de réussir. Coacher c’est un peu comme élever ses enfants, il n’y a pas de règles, chacun fait comme il le ressent et les résultats dépendent avant tout de votre personnalité, de faire les choses qui correspondent à ce que vous êtes. J’ai eu de la chance pour moi ça a toujours été naturel, c’est un peu un don.
Quant on lit vos « règles », on a l’impression que c’est un peu comme si vous disiez à vos joueurs : « jouez au foot comme quand vous jouiez au foot avec vos copains après l’école sans vous prendre la tête en vous amusant », c’est ça le secret Gagliardi ? Redevenir des gamins ?
Oui c’est un peu ça. Quand j’ai commencé j’étais juste un joueur qui coachait ses copains de lycée et qui jouait aussi lui même. Personne ne m’a appris le métier. J’ai fait ce que j’ai pu avec l’esprit d’un ado qui voulait s’amuser. Et je crois que c’est resté vrai pendant tout ce temps la.
Compte tenu de votre succès, comment expliquez vous que si peu de coaches reprennent vos méthodes ?
Vous savez la plupart des coachs sont d’anciens joueurs de grandes universités. Il y a souvent une relation père-fils qui s’instaure entre un coach et ses joueurs et logiquement la plupart de ces anciens joueurs reprennent les méthodes de leurs anciens coachs… D’ailleurs j’ai certains de mes anciens joueurs qui dirigent des équipes de high school et avec pas mal de succès en général.
Est ce que vous auriez pu faire aussi bien ailleurs ou est ce que St John’s était l’environnement parfait pour vous ?
St John’s est un endroit spécial et j’ai beaucoup de chance d’être devenu coach ici. Ici les critères d’admission sont très sévères, les jeunes qui viennent ici sont tous des « têtes », ils n’ont pas besoin d’être contrôlés, on peut leur faire confiance. Ils ne viennent pas pour le football, nous ne donnons pas de bourses sportives ici, ils viennent pour étudier. Je n’ai pas les problèmes de certains coachs des grandes facs qui ont des joueurs immatures, délinquants… Notre méthode fait confiance aux joueurs et ne leur donne pas de règles à respecter, les étudiants qui viennent à St John’s sont parfaits pour cette méthode car ils n’ont pas besoin de règles, ce sont déjà de jeunes adultes responsables.
Vous avez probablement eu beaucoup de propositions de grandes universités non ? Avez vous pensé quitter St John’s un jour ?
Oui j’en ai eu bien sur mais ça ne m’a jamais vraiment intéressé, je suis heureux ici. Je suis un gars de la campagne pas un citadin…J’ai hésité une seule fois, l’Université de San Diego (Les Toreros de SDU, Division IAA) voulait que je vienne. C’est vrai que le soleil de la Californie du Sud ça aurait été sympa. Mais c’était trop tard, j’étais déjà trop enraciné ici, ma vie est ici.
De quoi êtes vous le plus fier dans votre carrière ?
Le record de victoires évidemment c’est pas rien… Quelque chose qui m’a fait très plaisir c’est l’an passé, ESPN a fait un classement des 10 plus grands coachs universitaires de tout les temps et j’ai été classé 5ème . Me retrouver classé au milieu de tout les plus grands, ça m’a fait un peu drôle…
Que pensez vous de la première division qui reste accroché à son système de Bowls quand le système des playoffs fonctionne depuis si longtemps dans les autres divisions ?
Ils me font sourire. Ils sont toujours à dire « Ca ne peut pas être fait », comme si ce que nous faisons nous ce n’était rien, que nous n’existions pas ! La vérité c’est qu’avec les bowls il y a 15 ou 20 équipes qui sont contentes en fin de saison et qui surtout touchent un bon pactole. Avec des playoffs ils feraient peut être encore plus d’argent mais les gens n’aiment pas changer quelque chose qui marche et qui rapporte. Ils ne veulent même pas essayer…
Maintenant que votre saison est terminée, est ce que vous prenez quelques vacances avant de penser à la saison prochaine ?
Non pas tout de suite, je prends mes vacances comme tout le monde ici à la fin de l’année universitaire au début de l’été. D’ici là on prépare la saison prochaine et on accueille des lycéens qui visitent la fac avant de faire leur choix pour leurs études. Comme on a pas de bourses à leur offrir il faut être convainquant mais c’est surtout le niveau académique de la fac qui les pousse à venir ici ! La plupart de nos étudiants sont originaires de la région, un rayon de 50-100 miles maximum autour de St John’s. Ca me fait sourire quand je vois des universités qui recrutent dans tout le pays, des joueurs qui partent à 3000 miles de chez eux pour étudier… Il y a des joueurs de talent partout, dans le moindre petit lycée. Il suffit de les trouver, de les mettre dans les bonnes conditions pour réussir c’est tout. Je n’ai jamais manqué de talents et pourtant c’est la Sibérie ici et on a pas de bourses à donner !
Vous avez coaché plusieurs générations de jeunes américains, est ce que c’est plus facile ou difficile aujourd’hui ?
Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, ici on est privilégié. Les étudiants qui viennent ici sont matures, intelligents compte tenu des critères de sélection de l’Université. Ce sont des gens bien et les gens bien restent des gens bien quelque soit l’époque.
Quels sont les coachs que vous admirez le plus dans le football ?
Oh il y en a des tas, c’est difficile de vous donnez une liste de noms comme ça ! En tout cas j’ai beaucoup de respect pour Bud Grant l’ancien coach des Vikings. C’est un type bien . Il n’a pas eu de chance, perdre tout ces Superbowls, c’est un peu injuste. En plus deux de ses fils ont joué pour moi ici et il est très attaché à cette région comme moi.
J’ai vu qu’il y avait un Damien Dumonceaux dans votre staff. Il est Québecois ?
D’origine oui ! Mais il a grandi ici. Son père est prof de math à la fac et Damien a été un de mes meilleurs DE. Il a eu son diplôme l’an passé et cette année il préparait le concours pour entrer en Médecine et il a travaillé avec nous cette saison comme assistant en défense. C’est un garçon brillant mais comptez pas sur lui pour venir coacher en France, avec ses études de médecine il va être occupé ces prochaines années ! J’ai beaucoup de respect pour les québécois et les cajuns de Louisiane. Ils ont su conserver leur langue, leurs traditions. J’aime bien leur style ! Et leur musique aussi !
Est ce que vous pensez prendre votre retraite un jour ?
Non, absolument pas ! J’ai la chance de faire un boulot que j’adore ! Il y a tellement de gens qui détestent leur travail! Moi je l’adore, alors je n’ai vraiment pas envie de m’arrêter ! C’est aussi pour cela que j’ai réussi, c’est facile de réussir quand on fait quelque chose qui vous plaît. Je coacherai tant que ma santé me le permettra. 20 ans encore si je peux ! Sur ma tombe j’aimerais qu’on inscrive « he loved coaching football » . Mais je n’ai vraiment pas envie de mourir !
La méthode Gagliardi
Anticonformiste, aux antipodes de l’image traditionnelle du coach « sergent chef » des universités américaines, John Gagliardi a bâti son succès sur le plaisir de jouer ensemble, la responsabilité individuelle et la confiance.Il est arrivé à ces résultats incroyables sans aucun recruteur ni de bourse pour attirer les meilleurs. En éliminant le superflu et l’accessoire, en privilégiant les fondamentaux et l’exécution plutôt que le physique et l’agressivité il a non seulement fait de SJU une fac de gagnants mais aussi un modèle de sportivité, un temple du « beau football » et un des rares endroits dans le football universitaire américain où études (100% de diplômés dans ses équipes !) et sport sont pleinement complémentaires.
Ses trois règles d’or :
• Il n’y a pas de manière unique de coacher le football
• Ne pas avoir peur d’être unique ou différent.
• Le Football n’est pas important. Les études le sont
L’organisation de l’équipe
• Pas de bourse pour les joueurs.
• Pas de recrutement en dehors du campus
• Aucun problème n’est insurmontable.
• Ne pas se perdre dans ce qui n’est pas nécessaire
• Pas d’objectifs, juste des ambitions.
• Ne pas vivre dans la gloire des saisons passées.
• Pas besoin d’un staff énorme
• Pas d’équipe B
• Restez discipliné
• Je suis « John » pas « coach »
• Ne pas humilier les joueurs.
• Tout le monde doit s’attendre à jouer.
• Pas de « bizutage »
• Toujours garder son sens de l’humour
• Ne pas compter sur la chance.
• Etre flexible
Pendant la saison
• Pas de Capitaines.
• Pas de réunions réservées aux coachs
• Pas de réunions réservées aux joueurs
• Ne pas abuser de la vidéo
• Pas de « dress code »
• Pas de régime alimentaire obligatoire.
• L’équipe a le même réfectoire que les autres étudiants.
• L’équipe a le même dortoir que les autres étudiants.
• Pas de slogans.
• Pas de superstitions
• Pas de playbook
• Pas de statistiques affichées
• Pas d’articles de journaux dans le vestiaire
• Pas d’excuses
Les entraînements
• L’entraînement n’est pas un camp militaire.
• Pas d’entraînement de plus de 90 minutes
• Pas de plaquage
• Pas de protections
• Pas d’exercices d’agilité
• Pas d’échauffement en groupe Chacun sait ce dont il a besoin pour être prêt..
• Pas de « blocking sled ».
• Pas de blocs.
• Pas de tours de terrain.
• Pas de série de sprints.
• Pas d’uniformes pour les coaches.
• On n’utilise jamais les mots "hit," "kill," etc...
• Pas de sifflets.
• Pas d’entraînements les dimanches et lundi.
• On n’engueule jamais les joueurs.
• Pas d’entraînement au printemps.
• Pas d’entraînement sous la pluie, dans le froid ou la chaleur.
• Ne jamais refuser à un joueur une pause.
• Pas de privilèges pour les seniors.
En dehors de la saison
• Pas de meetings
• Pas d’entraînement ni de programme de muscu obligatoire.
• Pas de playbook à étudier.
• Pas de régime obligatoire.
Les matchs
• Pas de matchs plus importants que d’autres.
• Ne pas en rajouter quand on marque.
• Pas de séquence de plays prédéfinie
• Pas de « Gatorade celebration »
• Ne jamais prononcer les mots « to kill ».
• Pas de trash talk toléré.
• Tout les joueurs en tenue.
• Tout le monde doit jouer si la victoire est acquise.
• Aucun mauvais geste toléré..
• On ne compte pas les plaquages en défense.
• Pas de repas d’avant match obligatoire
• Pas de repas d’après match obligatoire.
• Pas d’analyse sur ordinateur
• Pas de cheerleaders.
Propos recueillis par téléphone par Olivier Rival le 13/12/06
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