11 juin 2007

Philippe L. et Luc B., tauliers de défunts magazines

 Voici les interviews des deux personnages qui furent les principaux animateurs de la défunte presse écrite qui se risqua à défendre les couleurs de notre sport.

Aujourd'hui leurs témoignages nous offrent une résonance toute particulière, à nous qui avons lancé notre magazine depuis deux ans et qui mesurerons le chemin à parcourir pour retrouver cet âge d'or.


-- Philippe Laville --


Vos papiers : Nom, prénom, age ?

J’ai 43 ans. J’ai mis pour la première fois un carapace de foot US à 21 ans. J’ai créé mon premier magazine à l’âge de 23 ans. Il y a vingt ans. Il était basé sur le football américain…

Vous avez été un acteur de la presse dédiée à notre sport, dans le passé. Avant d’évoquer cette presse, comment êtes-vous arrivé au foot US ?

J’ai découvert le football américain quand j’étais tout jeune. Sur TF1. C’était dans les années 70. A l’époque, la Une, encore une chaîne du service public, diffusait, après minuit durant les vacances d’été, des sports insolites. C’était une idée de Daniel Pautrat. Il y avait des matches de football australien, de football gaëlique. J’adorais ça et quand j’ai découvert le football américain , ça a été un choc. Après, je me suis débrouillé pour avoir des magazines et puis, au début des années 1980, j’ai essayé de monter une équipe de football américain dans mon université. Au Mans. Sans résultat… Alors quand en 1985, les Caïmans 72 du Mans se sont créés. Je les ai vite rejoints comme joueur. 

Vous avez participé à l’aventure de magazines qui parlaient de foot us, lesquels ? Quel rôle y jouiez-vous ?

J’ai tout simplement créé l’un des premiers magazines de football américain en France. En 1987, date de la sortie du numéro 1 de « Football Américain Magazine », Luc Bouchard nous avait devancé de quelques mois en sortant « Quarterback ». « Quarterback » avait beaucoup de défaut.,« Football Américain Magazine », un peu moins. Ce n’était pas de mon fait. La raison est simple. Au Mans, il existait depuis quatre ans « Maxi-Basket », un magazine sur le basket créé en 1983. J’ai eu la chance de connaître les créateurs. Je leur ai montré mon projet, mes maquettes…

Ils ont cru à ce magazine. Eux, ils étaient passionnés de NBA. La NFL leur disaient quelque chose. Ils voulaient se développer alors Ils ont financé ce magazine mais surtout, ils ont apporté leur expérience, leur vision. Un plus que n’avait pas « Quarterback ».

D’entrée, « Football Américain Magazine » était un vrai mag. Pour exemple, notre photographe qui était salarié de Maxi Basket était Bruno Fablet. Quand il n’était pas au bord d’un terrain de football pour photographier les Wolfmen de Montpellier contre le Spartacus de Paris, il était aux Jeux Olympiques pour suivre l’équipe de France de basket. Aujourd’hui, c’est un des plus grands photographes de L’Equipe ! Sans « Maxi Basket », nous n’aurions jamais pu compter sur un gars comme ça !

Pour les jeunes qui n’ont pas connu cette époque, dressez-nous un rapide topo sur ces magazines (périodicité, tirage, mode de distribution, nombre de collaborateurs, …)

En 1987, paradoxalement le football américain était peu connu mais très médiatique dans la pub, les médias. Grâce notamment à une année de NFL passé sur la Cinq en 1985. Après Canal + qui avait joué la carte du football américain pour se démarquer, ce sport était entré avec la Cinq dans beaucoup de foyers français le dimanche midi à une heure de grande écoute avant de réintégrer l’année suivante la chaîne cryptée.

Cela a eu un impact colossal. De grandes marques comme Continental Edison ou les sirops Teissère se servaient du foot US pour vanter leurs produits et se démarquer. 

Pour vous donner un ordre d’idées lorsque « Football Américain Magazine » a cessé de paraître, ce magazine avait été tiré à 22 0000 exemplaires et avait finalement vendu 12 800 exemplaires de ce dernier numéro. En plus, il comptait 1 300 abonnés. Ce qui est inimaginable maintenant !

Pour comprendre ces chiffres mirobolants, il faut comprendre qu’à cette époque, à part Canal + ou les gens qui avaient la chance d’aller aux Etats-Unis ou de s’abonner à des revues spécialisées américaines, personne ne pouvait être en contact avec le football américain pratiqué outre-Atlantique. C’est pourquoi des mags comme « Quarterback », « Football Américain Magazine », « US Foot » puis après « Newsport » et « Sport Action » avaient un vrai lectorat, fidèle, accroc… 

Quel étaient les ambitions de ces magazines ? Parlaient-ils que de Foot US ou d’autres sports US ? Et pourquoi ? 

Mis à part « Newsport », tous ces journaux se voulaient avant tout témoins de leur temps. Les gens qui les animaient étaient des passionnés qui avaient la chance d’offrir aux autres passionnés ce que eux, auraient aimé lire depuis bien longtemps. Pour comprendre cette période, Il faut bien recentrer la naissance de ces magazines-là. 

En 1980, la presse française sportive ne connaît rien des sports américains. Elle ne s’y intéresse qu’au moment des J.O. Elle ne connaît rien du basket américain. Larry Bird, Michael Jordan, Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar, Dr J, Charles Barkley… La meilleure génération que la planète connaîtra certainement à jamais, ne lui dit rien. Pour elle, le baseball est un sport incompréhensible et le football américain un sport de tarés. Elle ne sait même pas que les meilleures athlètes du pays font de l’athlé par dépit ou simplement pour décrocher une médaille olympique avant d’aller vers les sports pros, NFL en tête.

La bombe Jordan, la séropositivité de Magic, l’arrivée de Richard Tardits en college et la voix d’un certain George Eddy va changer tout cela… 

Quand « Football Américain Magazine » et « Quarterback » naissent, ils sortent dans l’anonymat. Mais ils ont des atouts naissants, le football américain s’ancre. Malheureusement, une finale retransmise en direct sur France 3, désastreuse en terme d’image (75-0), va petit à petit faire perdre de la crédibilité à ce sport qui a du mal à se construire en même temps en terme de fédération, de structures…

Très mal financièrement, « Quarterback » disparaît pour renaître sous la forme de « US Foot ». « Football Américain Magazine » arrête parce que les concepteurs, moi-même et Franck Richaud, quittent la structure de « Maxi Basket » pour vivre de leurs propres ailes en lançant un magazine multi-sport américain. « Maxi » n’ayant personne pour prendre le relais, la parution est suspendue alors que le titre est rentable et dégage de l’argent.

En fait, la naissance simultanée de « Newsport » et de « Sports Action » est née d’une scission. On s’est alors retrouvée à créer deux magazines qui n’en étaient qu’un au départ. Avec des convictions différentes. Les purs et durs, les vrais passionnés des sports US, d’un côté : « Sports Action ». Et « Newsport », se voulant plus flashy, moins préoccupé par la vulgarisation.

D’entrée, « Newsport » a cartonné : 35 000 ventes au numéro 1. « Sports Action » a fait beaucoup moins 18 000 ventes. Mais l’arrivée de ces deux mags a été un vrai choc dans la presse sportive française. Libération a fait un article sur nos naissances. Le Monde a consacré une demi-page sur nos arrivées dans la presse écrite. Les confrères ont alors commencé à lire ces mags, à s’intéresser à ce qui se passait là-bas. Non pas par intérêt, mais par nécessité. Pour ne pas paraître trop largué. L’Equipe a créé sa page des sports américains sans y croire. Et puis Richard Tardits a joué en NFL, l’Open MacDonald’s est venue à Paris avec les Lakers et puis, et puis…

Vous avez suivi les championnats français. Qu’elle image en aviez-vous à votre époque ? 

Moi, j’avais une idée précise de ce que devait être notre magazine. Depuis que j’avais douze ans, j’avais la chance d’avoir des mags sur le foot US, d’y voir des belles photos, d’apprécier ces logos, ces casques… Je voulais que « Football Américain Magazine » soit du même accabit que ces revues américaines. Alors pour avoir les meilleurs photos venant des USA, on a contacté John McDonough, un des meilleurs photographes aujourd’hui à « Sports Illustrated ».

John démarrait. Il a accepté d’être notre photographe comme d’autres après. Pour le foot US en France, on est parti de ce constat. Si on veut que les gens aillent sur les terrains français, on doit leur montrer des belles images du championnat de France. On ne voulait pas leur mentir sur la réalité du foot US français qui en était à ses balbutiements mais on voulait le mettre en lumière. Alors comme on avait la chance d’avoir un photographe top niveau, on choisissait les meilleures photos. On faisait attention à des détails simples, prendre le meilleur angle pour y voir les spectateurs, faire attention que la 4 L du coin parquée derrière les poteaux d’embut ne soit pas dans le champ de vision. Et quand ce n’était pas des photos de match, on essayait de faire des vrais photos mags. On voulait vraiment apporter notre pierre à l’image du foot US français. « Football Américain Magazine » y a vraiment réussi. Mais cela coûtait cher. Pas grave. C’est peut-être pour cela qu’on avait tant de lecteurs.

Quant au rédactionnel, cela ne nous intéressait pas trop de faire des compte-rendu. On voulait donner des news. Des clubs, des joueurs, des terrains. Et surtout faire de vrais sujets humains, crédibles, informatifs. Tout en vulgarisant ce sport. C’était notre force contrairement à « Quarterback » et « US Foot ». Et puis, entrer dans la polémique du football américain français ne nous intéressait pas. A l’époque, tout le monde se tirait dans les pattes. Je me souviens que quand j’étais allé voir Jacques Accambray, le président de FFFA de cette période, pour présenter notre projet, il m’avait dit : « Mais c’est pourquoi ? Vous voulez prendre ma place à la tête de la fédé ! » C’était en 1986. Depuis, cela a bien changé…

Vous avez collaboré à l’aventure de ces magazines jusqu’au bout , ou pas ?

J’ai créé « Football Américain Magazine », « Sports Action » et « Football Newsletter » et j’ai travaillé jusqu’au bout.

Ces revues ont cessé d’exister. Officiellement pourquoi ?

Pour des raisons diverses, « Football Américain Magazine » a cessé de paraître parce que nous sommes partis des éditions Maxi-Basket comme je l’expliquais. « Sports Action », mag multi-sports, s’est recentré sur le basket américain par nécessité en devenant « Sports Action Basket ». En abandonnant le baseball, le football américain et le hockey, on est passé de 15 000 ventes à 30 000. D’un coup en un numéro ! On a fait le choix de la NBA qui bouffait tout à l’époque. Pour vous donner un ordre d’idées : en 1992, lors des J .O. de Barcelone, les mags basket ont vendu en France 470 000 exemplaires ! Le tout en deux mois !

Nous, nous avions quatre mags en même temps en kiosque dont « Super Team ». C’était énorme. Du n’importe quoi au bout du compte ! A ce moment, le basket vendait plus que le football (350 000 ventes). Cela a duré jusqu’à la première retraite de Michael Jordan. Aujourd’hui, mes amis de « Basket News », hebdo que j’ai aidé à créer ou j’ai travaillé, vendent difficilement 15 000 exemplaires par semaine et en cumulant toutes les ventes (Mondial Basket, Cinq majeur, MVP…) le basket vend péniblement 70 000 exemplaires par mois.

« Football Newsletter », une lettre d’infos surtout sur le foot US français où nous avions mis en place, avec Nicolas de Virieu, les premières stats officielles françaises,, s’est arrêtée par manque de temps de ma part. J’avais 500 abonnés payants mais cela me prenait 20 heures par semaine pour faire du bon boulot. Je venais de lancer « Basket Hebdo », je n’avais plus le temps de continuer. Et puis, avec l’arrivée d’internet, cela n’aurait peut-être pas pu continer…

Vous qui étiez au premier rang, comment analysez-vous ces échecs ?

Ce n’est pas vraiment des échecs mais on peut les considérer comme cela. La simple analyse est que les sports américains et donc le football américain ne peuvent pas encore mériter un média classique. Si « Elite Foot » n’était pas drivé par des passionnés, il n’existerait certainement pas.

Ces mags, ils sont un peu comme les clubs. Si dans chaque club français, mis à part quelques exceptions, il n’y avait pas deux ou trois personnes pour les maintenir à flots et avoir la FOI. Mais la vraie FOI. Pas un jour, un mois…. Mais tout le temps, 365 jours par an. Il n’y aurait pas dix clubs de football américain en France.

Mais un mag, c’est une activité économique avant tout alors au bout d’un moment…

Malgré cela, quel meilleur souvenir garderez-vous de votre aventure de journaliste de foot US ?

D’avoir vu et discuter avec des personnes comme Joe Montana, Dan Marino… Royal ! Mais je dirais que mon meilleur souvenir s’est d’avoir lu l’interview de Bobby Herbert, quelques jours avant que nous décidions d’abandonner le foot US, le hockey et le baseball, dans les colonnes de « Sports Action ».

Hebert était quarterback des New Orleans Saints et surtout Cajun. Christophe Leray, notre correspondant, l’avait rencontré chez lui dans le Bayou. Et là, Hebert s’était lâché. Il lui avait parlé de sa passion pour la France, de ses parents qui parlaient français, de ses ancêtres venus de Bretagne. Il avait raconté que quand il était petit, il ne parlait que français et qu’à l’école, on le lui interdisait. Il avait parlé de choses qui me touchent. Et moi, si je suis journaliste sportif, c’est pour ça. Pour que des sportifs qui sont adulés ou non redeviennent des hommes et se confient.

J’ai toujours regretté que cet interview ne paraisse pas. Je garde pour ce joueur beaucoup d’affection, une affection que j’aurai tant aimé partager avec les lecteurs de « Sports Action ».

Avec le recul, qu’aurait-t’il fallu pour éviter la fin de ces magazines ?

Je ne sais pas. C’est vraiment trop dur de trouver les vraies raisons.

Ce sport ne trouve pas sa place dans les médias français et du coup n’arrive pas à se développer. Votre opinion là-dessus ?

C’est très compliqué. Pour avoir tout connu du football américain ( j’ai vu des matches là-bas, assisté pendant des jours à des camps d’entraînements pro, de college, j’ai moi-même joué… J’ai été président de club. J’ai créé un Comité Départemental. J’ai relancé une Ligue qui vit bien maintenant , trouvé les bonnes personnes, créé des emploi-jeune qui vivent désormais du foot US. J’ai écrit sur ce sport. Même dans des mags spécialisés américains pour donner des nouvelles d’Europe…), je ferais trois constats.

Tout d’abord, je crois que le football américain est en France à un niveau incroyable, que peu de personnes sont capables d’apprécier cela. Principalement et sans minimiser le travail phénoménal accompli par certaines personnes, cette structuration du foot US français est lié à la façon de concevoir le sport en France et à la délégation ministérielle qui incombe aux fédérations. Malgré une naissance difficile, une période que j’appellerai celle des « tontons flingueurs » et qui a duré un peu moins d’une dizaine d’année, des gens compétents sont arrivés à la Fédération. 

Sans bruit, humblement, ils ont pris une fédé qui n’en avait que le nom… Ils se sont battus. Ils ont été très pros. Ils ont redressé une situation catastrophique. Ils ont démontré leurs compétences. Ce n’est pas par hasard que Xavier Thuillot, son ex-trésorier, est aujourd’hui quelqu’un de reconnu dans le football en matière de gestion, que Fred Paquet est reconnu mondialement dans ce sport.

A partir de ce moment, la FFFA a fait en moins de 10 ans ce que d’autres fédérations ont fait en 50. Ca, c’est le premier point et il est fort, primordial. Ces gens-là, avec dans certains clubs quelques personnes qui ont su aller vers l’intérêt général, sont de vrais pionniers qui, grâce à cette exception française en matière de gestion sportive, ont su placer ce sport sur les vrais rails du développement.

Ensuite, si le football américain se développe en France, il doit composer avec deux facteurs « ennemis » que la France est le seul pays d’Europe à avoir en même temps : la barrière de la langue concernant la compréhension des règles et de l’esprit du foot US et la présence d’un autre sport collectif de contact fortement ancré sur son territoire national : le rugby. Aucun autre pays d’Europe n’a ces deux obstacles.

Même si il est au départ un sport national devenu par la suite régional, le rugby touche maintenant la conscience collective. Il est ancré dans la culture française. 

Enfin, en optant pour le Flag, le foot US a fait le bon choix. A mon avis, c’est le seul moyen de toucher à très long terme un large public avec les écoles, les centres aérés, les lycées… Et sans la masse, un large consensus…

Je crois beaucoup en cette discipline annexe. Sans elle et maintenant le cheerleading, le foot US serait dans un ghetto. On peut considérer qu’aujourd’hui avec le flag, il ne l’est plus. Mais la route est encore longue, très longue pour faire du foot US un sport reconnu en France…

Quel conseils donneriez-vous à des jeunes comme nous qui souhaiteraient lancer un vrai magazine ?

D’avoir la Foi et de l’avoir le plus longtemps possible. Mais surtout de regarder ce qui se fait de bien. Pour moi, cela ne sert à rien de faire un mag pour faire un mag. On doit avoir le sentiment de faire quelque chose d’unique. C’est important. 

Que faites-vous maintenant ?

Après avoir quelque peu abandonné la presse des sports US, j’ai créé un magazine sur la légende des 24 Heures du Mans que j’ai porté pendant plus de six ans, je m’en suis séparé il y a trois mois et là, je lance un nouveau magazine au mois de septembre qui ne sera pas sur le sport cette fois-ci. 

Un mot pour conclure ?

Je me sens toujours proche du foot US français. J’y ai donné 15 ans de ma vie comme journaliste, joueur et dirigeant. J’ai été parmi les rares privilégiés qui ont pu en vivre. J’ai pu voir pour de vrai des matches NFL alors qu’ado, je découpais dans des mags importés des USA des casques que je collais dans des cahiers alors que mes copains faisaient la même chose avec les maillots du Tour de France ou le football. J’ai donné de mon temps à ce sport et je ne le regrette pas. Ici dans l’Ouest, j’ai réussi à positionner des gens pour qu’ils en fassent leur métier. Ils sont toujours en place. J’en suis content pour eux. La Ligue Bretagne-Pays de Loire que j’ai relancée est aujourd’hui l’une des plus dynamiques en France. Cela fait plaisir. Aujourd’hui, je souffle un peu mais un jour, je redonnerai de mon temps à ce sport. J’en suis certain. Je l’ai dans le sang…

-- Luc Bouchard --


Vos papiers ? 

Bouchard Luc. 44 ans. 1m79. 80 kg. Canadien de passeport. J’ai une dette énorme envers le F.A. : il m’a permis de rencontrer plusieurs de mes meilleurs copains et de vivre une douzaine d’années en France. 

Vos premiers contacts avec le foot US ?

À l’âge de neuf ans, à Montréal, où j’ai grandi. Un jour, un copain d’école m’a invité au camp de recrutement de son équipe. Ce jour-là, ma vie a basculé. Je suis devenu accro. Je me suis mis à dormir avec un ballon. J’ai joué au foot pendant vingt ans. Douze ans au Canada, huit autres en France. Vingt ans à courir, cogner, rire, souffrir et pleurer avec les potes. Ça forge son homme. 

Vous avez été un des pionniers du fameux magazine US FOOT. Pouvez-vous nous parler des raisons qui vous ont poussé à vous lancer dans cette aventure ?

On ne se lance pas dans une aventure comme US Foot ; on tombe dedans. Un peu par hasard et beaucoup par chance. Mais US Foot reste d’abord le fruit d’un improbable concours de circonstances. À commencer par ma rencontre avec François Leroy, l’ancien président du Flash de La Courneuve. À l’époque, j’étais rédacteur en chef de Quarterback, le premier magazine de football américain en France. De son côté, François travaillait pour Graphie 66, la compagnie de son père, Georges, et il coordonnait la mise en page et l’impression de QB. Ce qui nous amenait à passer pas mal de temps ensemble pendant les bouclages. Fast forward six mois : QB meurt la veille de la parution de son 7e numéro, le président des Diables Rouges/All-Stars (l’équipe que j’entraînais à l’époque) se retrouve en prison, François m’embauche pour entraîner le Flash. C’est dans ce contexte de grands chambardements que le père de François a lancé l’idée de créer un nouveau magazine. Bref, le temps de réunir quelques copains, et US Foot number one était en kiosque. Il était horriblement mal imprimé, mais c’était le début d’une sacrée aventure… 

Quand on se lance sur le marché d’un sport tout nouveau en France, est-ce qu’il n’y a pas un risque de se planter ? Comment avez-vous assumé ce risque ?

On ne connaissait pratiquement rien au monde de l’édition : on aimait le foot, c’est tout. Les sept actionnaires fondateurs d’US Foot (Georges et François Leroy, Michel Mérille, Alain Matthey, Jacques Tillet, Claude Courchesne et moi) étions des allumés qui, à travers leur magazine, cherchaient à exprimer leurs compétences professionnelles et/ou à trouver leur voie. Dans mon cas, je tenais aussi à rester en France pour continuer à jouer et à entraîner. 

Dès le départ, Georges Leroy s’est imposé comme notre grand manitou. À mes yeux, il a toujours été le père spirituel d’USF. Sans la générosité de Graphie 66 (qui prenait en charge la PAO du magazine), donc de Georges Leroy, US Foot ne se serait jamais perpétué au-delà de trois ou quatre numéros. Mais comme Georges y tenait dur comme fer et qu’il était hors de question pour moi de lâcher le morceau, US Foot a, malgré ses nombreuses morts annoncées, existé une bonne douzaine d’années. 

Cela dit, la vraie histoire du magazine est ailleurs. Elle appartient à ceux et celles qui, à un moment ou un autre, se sont joints à notre équipe pour mille et une raisons. Je pense ici à Tounsia Boutemeur (La Toune), à David Wright, à Loïc Brébant (Charlie Halftime), à Franck Petit, à Stéphane Genti, à Fredéric Martin (FMR), à Philippe Digart, à Didier Le Bévillon, à Camille Moirenc, à Gaby. Je pense aussi à toutes ces personnes dont le nom ne me revient pas à l’esprit, là, spontanément, mais qui, chacun à leur manière, ont permis à US Foot de rester en contact avec ses lecteurs. C’est grâce à leur dévouement, à leur passion désintéressée, à leur générosité sans borne que ce magazine a pu vivre. 

Que représentait US Foot à ses débuts : au niveau du tirage, du nombre de collaborateurs, etc ?

Publié en février 1989, le premier numéro d’USF avait été tiré à 10 000 exemplaires et ces derniers ont tous été, ou presque, vendus. Au fil des ans, la moyenne de nos ventes gravitaient autour de 7,500 exemplaires, avec quelques pointes à 14,000 et plusieurs creux à 4,000. 

Quant à l’équipe, au début, entre la rédaction, la conception et la fabrication du magazine, l’équipe se résumait à une dizaine de personnes ; c’est-à-dire nous, les actionnaires, et quelques copains et copines volontaires. Mais la chance que USF a eu, c’est que son cercle de volontaires s’est agrandi très rapidement. On n’a jamais eu beaucoup d’argent, mais j’étais toujours prêt à donner la chance aux gens d’écrire ou de prendre des photos. Combien de fois m’ai-je entendu dire à un journaliste en herbe que je n’avais pas d’argent pour le payer, mais que je pouvais lui donner de l’espace pour être publier. C’était pareil avec les photographes à qui je faisais de mon mieux pour rembourser les frais (péloches, développements). 

Dés le début, vous aviez décidé de parler du foot français dans son intégralité (D1, D2, D3). On est encore étonné de voir à quel point ce magazine était bien informé et présent sur tous les fronts. J’imagine que vous récoltiez toutes les bonnes volontés, à travers l’Hexagone. Comment cela se passait ?

Tous les gens d’USF étaient impliqués de près ou de loin dans le foot US hexagonal. Il était donc normal pour nous d’en parler. D’autant plus que l’on passait la majeure partie de notre temps sur les terrains. Cela dit, il n’était pas toujours évident de recueillir et d’entrecouper les informations. Mais il ne faut pas oublier que le F.A. est un sport de compétition. Tout le monde prêche toujours aveuglément pour sa paroisse.

Vous étiez aussi très présents et bien informés de ce qui se passait aux USA. Vous aviez des correspondants là-bas ou vous faisiez les déplacements vous-même ? 

Pour frimer, je pourrais répondre qu’US Foot m’a permis d’assister à douze Super Bowl et quatre Pro Bowl. Je pourrais aussi chercher à vous soutirer quelques larmes en ajoutant qu’il n’est jamais facile d’être en voyages d’affaires en Floride, en Californie ou à Hawaï. Surtout au mois de janvier et février. Mais bon ! Les voyages étaient plutôt l’exception que la règle. En fait, nous avions surtout la chance de connaître beaucoup de gens de l’autre côté de l’Atlantique. Des personnes clefs qui nous ont ouvert pas mal de portes. Avec la NFL, en particulier. Ceci dit, la majorité de nos interviews et de nos articles était la somme d’un minutieux travail de recherches et de, surtout, de longues heures passées au téléphone. L’Internet n’existait pas à l’époque. Nos seules sources quotidiennes étaient le USA Today et le Herald Tribune. Certes, il nous arrivait de mettre la main sur un Sporting News ou un Sports Illustrated, mais c’était assez rare. En revanche, nous passions nos étés à lire la flopée de hors-séries consacrés à la présentation des équipes NFL et universitaires. Chaque été, ma maman qui, à partir du Canada, me postait une boîte pleine de magazines sur la NFL et la NCAA. Sans elle, US Foot aurait eu bien du mal à réaliser ses NFL Previews. 

Vous aviez impulsé un ton particulier à votre magazine, aux antipodes de la langue de bois sportive que l’on retrouve un peu partout dans nos médias actuels. C’était un choix délibéré ?

Nous n’étions pas suffisamment ferrés, sur le plan journalistique, pour nous prendre au sérieux. En vérité, le ton d’US Foot était simplement à l’image de son équipe : jeune, festive, naïve et fêlée. Et nous avions clairement les travers de nos convictions. Nous étions aussi une sérieuse bande de liseurs. De Richard Brautigan à Philipe Djian en passant par San Antonio et Tonino Benacquista, les livres tournaient et s’échangeaient sans cesse au cœur de la rédaction. Ajouter à cela que nous étions très branchés cinéma et musique, et il n’est pas étonnant que le ton du magazine était assez éclaté.

Vous n’hésitiez pas à écorcher la politique de la FFFA quand il le fallait. Cela vous a valu quelques motifs de fâcheries avec l’ancien Président Accambray et la Fédération. Vous teniez beaucoup à cette indépendance ?

Nous n’avons jamais été contre la FFFA. Nous étions pour le foot. Cela n’avait rien à voir avec le fait d’être indépendant (bien que nous l’étions complètement). Nous étions des gens de terrains, des joueurs et des entraîneurs. Plusieurs des collaborateurs d’USF étaient des pionniers du F.A. en France. J’ai été l’un des premiers entraîneurs étrangers. Nous partagions un tel amour pour le foot US à la gauloise qu’ils nous étaient impossibles de fermer les yeux quand les intérêts du foot nous apparaissaient menacés d’une façon ou d’une autre. Soit dit en passant, j’ai toujours beaucoup aimé Jacques Accambray. Mais Jacques avait un ego plus imposant encore que son gabarit de lanceur de marteau. Il était aussi très influençable. Question : Avons-nous été injustes, par moments, envers lui ? Avons-nous erré envers la fédé en cherchant à faire passer le bien-être du foot avant les intérêts des dirigeants de la FFFA ? Sûrement. Mais là n’était pas notre intention. 

J’imagine que cette aventure vous a procuré plein de bons souvenirs. Si vous deviez en citer un ? 

À chaque fois qu’un nouveau numéro d’US Foot sortait en kiosque. 

Et le moins bon souvenir ?

Miami 1989. Super Bowl XXIII. J’ai passé une partie de la nuit à écrire un article dans un vieux cahier Moleskine, après le match. Mon avion partait très tôt le matin et je n’avais pas beaucoup dormi. J’avais une escale à Saint-Louis, où je devais changer d’avion. Comme un con, j’ai oublié ma mallette sur le siège à côté de moi. Par le temps que je réalise ma bêtise, le zinc était déjà reparti. Mon cahier, mes articles et tous les documents que j’avais amassés au cours de la semaine du Super Bowl se sont envolés vers Salt Lake City. J’en ai pleuré de rage. Il m’a fallu tout réécrire.

Si je ne me trompe pas, un beau jour de 1995, vous décidez de raccrocher et laisser le magazine dans les mains d’autres personnes. Pour qu’elle raison ?

Dans les faits, je n’ai jamais vraiment raccroché. Je suis retourné vivre au Canada, mais j’étais sur Paris un mois sur deux, entre 1995 et 2000. En revanche, il est vrai que je me suis éloigné de la gestion quotidienne du magazine à partir du moment où je me suis associé à Stéphane Gentil. Stéphane avait commencé comme stagiaire à US Foot quelques années plus tôt. Il y a fait ses armes en même temps que nous sommes devenus copains. En 1997, alors que Stéphane s’occupait du magazine en France, j’ai essayé de lancer une édition québécoise d’USF. En vain. Je me suis carrément cassé les dents (et le moral). J’ai perdu 35 000 euros. Cela a été très difficile à encaisser (dans tous les sens du terme). Mais cela ne m’a pas empêché de rester accroché à notre édition française jusqu’à l’avant-dernier numéro. En fait, le seul numéro d’US Foot auquel je n’ai pas participé aura aussi été le dernier.

Au cours des dernières années de son existence, US Foot a pris une tout autre direction et choisi de se concentrer que sur la NFL ou la NCAA. Rideau sur le foot français. Étrangement, c’est d’ailleurs à cette époque que ce sport va commencer à sombrer en France ? Qu’elle est votre opinion sur ce fiasco du Foot US en France ?

Je ne sais pas si le foot a sombré en France ou si l’on peut parler d’un fiasco. Je suis bien trop loin des terrains hexagonaux aujourd’hui pour émettre une opinion éclairée. En revanche, je peux vous dire que, commercialement parlant, le Foot US français n’a jamais été une bonne affaire pour US Foot. Bon an, mal an, le biorythme de nos ventes a toujours été le même : Championnat NFL, vente en hausse. Championnats de France, ventes en baisse. 

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes comme nous qui tentent de reprendre le flambeau de cette aventure commencée en février 1989 par vous et votre bande de copains ?

Je me vois mal donner des conseils : les deux magazines auxquels j’ai été associé ont sombré (voire trois, avec USF Québec). Trêve de plaisanterie, faire un magazine est une opération commerciale hasardeuse. Avant de vous lancer dans une telle aventure (aussi passionnante soit-elle), posez-vous ces deux questions : 1) Qui va acheter votre produit ? 2) Sont-ils assez nombreux pour vous permettre de joindre les deux bouts ? 

Vous faites quoi maintenant ?

J’habite au Québec, sur le bord d’un lac, avec ma femme et mes deux filles. Et pour gagner ma vie, j’écris des articles pour la presse… féminine. 

Quelque chose à rajouter ? 

Merci. Vous venez de m’offrir un beau voyage dans le passé. J’aimerais aussi en profiter pour saluer et remercier tous ceux et celles qui, un jour, m’ont aidé à accoucher d’un numéro d’USF.


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