4 septembre 2012

Le QB doit-il toujours obéir au coach ?

Le quarter back, sert de transition 

Si tous les joueurs sont briefés par les techniciens, un seul d’entre-eux repart sur le terrain avec la consigne d’attaque à appliquer, le quarterback. C’est lui qui sert de transition avec le reste des joueurs. C’est le capitaine du navire. Il peut passer le ballon aux coureurs, le lancer aux receveurs et même courir avec, le cas échéant. 

C’est un peu le demi de mêlée d’une équipe de rugby ou encore le N°10 d’une équipe de soccer, par qui toutes les balles passeraient.

Mais ces deux postes englobent, en Europe, une notion de créativité. Au rugby ou au soccer, le meneur de jeu prend à sa charge une part d’improvisation.

La seule prononciation de ce mot ferait rire aux éclats un coach, aux Etats Unis.

Les joueurs sont des exécutants

La créativité, l’improvisation, sont des notions qui sont là-bas confisquées par les coaches. Au grand dam des joueurs qui se sont transformés au fil des ans en mécaniques robotisées.

Un QB de la NFL témoigne : « J’assiste à la robotisation des joueurs. Lorsque je rentre sur le terrain, après avoir été sur la touche, ça me saute aux yeux. Je demande à mes hommes de ligne où je peux courir ou bien à mes receveurs quel est le meilleur parcours pour eux. Ils me regardent avec des yeux ronds, et n’ont pas grand chose à dire. Ils ont été programmés pour éviter de penser, et pour exécuter les gestes qu’on leur dicte». 


La maigre place accordée à l’improvisation se situe dans un canevas tactique extrêmement étroit. Les joueurs sont devenus des exécutants de luxe, se contentant de réciter les mouvements décidés par les coaches. Surtout depuis que l’ordinateur est utilisé dans la préparation des matches.

Le quarterback est en quelque sorte l’émanation physique de la pensée du coach. Tous ses tissus cérébraux doivent être imprégnés de la philosophie de jeu de son coach. Un bon QB se doit de connaître parfaitement les tactiques offensives, mais aussi les signaux codés transmis du bord de touche.

En raison de l’espionnite aiguë qui règne en NFL, le système de transmission des tactiques est devenu de plus en plus complexe. Désormais, le QB remplaçant joue le rôle de sémaphore, exécute dix signaux dont un seul sera effectif. Sur le terrain, le QB titulaire devra conserver à l’esprit celui qui sera le bon dans la série. Un vrai dialogue à l’image des sourds-muets.

Brancher un second cerveau

Dés qu’il a enregistré la tactique, le QB transmet les directives aux autres joueurs, ainsi que le signal de départ. Le QB peut malgré tout dans certain cas changer la tactique en « audible ». Il hurle alors une suite de mots bizares : « Two, girl, blue, zéro … ». Ces modifications de dernière minute ont valeur d’exception, et ne sont pas toujours appréciées par les coaches. 

Les coaches avaient même trouvé, au début des années 70, le moyen idéal de contrôler leur quarterback. Ils lui avaient pratiquement branché un second cerveau ! Les QB avaient été affublés d’un système de contact radio. L’expérience fut stoppée bien vite. Lors des chocs, une multitude de petits problèmes apparaissait. Mais surtout des petits malins brouillaient les émissions radios ou envoyaient de fausses informations.

Que fait- on de l'instinct ?

Il fut un temps où sur le terrain, le QB était le seul maître à bord après Dieu. Coaches et joueurs sont de plus en plus nombreux à regretter cette époque.

Bill WALSH, le maître tacticien de San Francisco, qui a mené son équipe à trois victoires dans le Super Bowl (dans les années 80), est de ceux-là : « je pense que nous avons perdu quelque chose qu’on ne retrouvera jamais. Nous avons perdu cette image du héros, livré à lui-même sur le terrain ; Ce grand compétiteur, qui devait se battre avec ses seules ressources, sa propre détermination, sa propre volonté de gagner.

On ne voit plus de joueurs de la trempe d’un Dick BUTKUS, qui jouait toutes les actions défensives, et qui menait son équipe sur le terrain. On ne voit plus de Johnny UNITAS, qui adaptait adroitement ses tactiques, à celle appelées par l’équipe de défense. Nous avons vraiment perdu quelque chose. Ce quelque chose, c’est l’image du vrai athlète. J’émets des réserves en ce qui concerne la tendance actuelle qui déresponsabilise les joueurs. Pourtant ils sont capables de prendre des décisions par eux-mêmes. Que fait-on de l’instinct ? ». 

La "no huddle offense"

Un coach avait bien essayé de mettre en pratique un retour à l’autonomie des joueurs. Mais sa « no huddle offense » (attaque sans réunion préalable) avait déclenché une controverse et avait même été interdite. Les responsables de la ligue l’avait déclaré non conforme à l’esprit des règles. Il laissait son QB prendre en main le choix des tactiques offensives. Un vrai camouflet au courant défensif actuel, qui consiste à faire entrer des spécialistes, selon la situation. Les coaches adverses n’avaient plus assez de temps pour opérer les changements de joueurs nécessaires.

L’autre école soutient que cela enlève un souci de la tête du QB, de laisser le coach dicter la tactique. Cela permet au QB de se concentrer totalement sur l’exécution. C’est à ce prix qu’on élève le niveau de jeu. Un coach ne doit plus rester sur le banc de touche à regarder passivement ses joueurs. D’ailleurs le jeu a atteint un niveau encore jamais approché.

Ils se contentent de compulser leur liste

Le courant qui oppose les adeptes du jeu libre et ceux du jeu contrôlé, n’a pas fini de perdurer. Il est certain que de contrôler le jeu, permet aux coaches de minimiser les risques pour eux. C’est vrai que leur position n’est pas facile ? Si l’équipe ne tourne pas, ce sont eux qui sautent les premiers. Alors, ils se contentent de compulser leur liste de tactiques et de les appeler les unes après les autres. C’est pourtant le QB qui maîtrise mieux que quiconque le moment de prendre des risques ou de calmer le jeu.

Et çà, les coaches ne pourront jamais rien y changer. Le QB est le baromètre de l’escouade offensive. Lors du Super Bowl de 1988, Joe MONTANA, meneur de jeu des 49ers, sut attendre son heure. Sa passe de génie, après une (remontée) de 92 yards, captée par John TAYLOR à 34 secondes de la fin, il ne la doit qu’à lui et à personne d’autre.

Article de Frank RICHAUD


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