3 juillet 2003

Sylvain Hoesch, champion de France de football américain et vigneron

Avant de produire l'un des vins rouges les plus réputés de Provence, Sylvain Hoesch, 33 ans, est parti apprendre aux côtés des meilleurs viticulteurs californiens et australiens. Champion de France de football américain, il milite également pour un rapprochement des cultures entre "l'Ancien" et le "Nouveau Monde"... .

Il y a deux façons de rencontrer ce gaillard-là. La première, c'est d'aller à Puyloubier, à 25 km d'Aix-en-Provence, au pied de la Montagne Sainte-Victoire. Un paysage sublime et "préhistorique" dont les tons ocres, verts et bleus ont façonné la palette de Cézanne. Il y a quelques millions d'années, les dinosaures venaient y pondre leurs oeufs. En 102 avant J.-C., les légions de Marius y décimèrent les Teutons venus des forêts de Germanie. Puis les Romains dessinèrent la physionomie du site en plantant de la vigne, des oliviers, du blé... Situé à l'emplacement d'une ferme romaine, le domaine Richeaume perpétue aujourd'hui cette antique tradition de la polyculture (vin, huile d'olive, amandes) et contribue ainsi à la préservation du lieu. 

L'autre façon de découvrir le personnage consiste à se rendre au stade municipal d'Aix, le dimanche, à 14h. Fumet de saucisses grillées, pom-pom girls et country music donnent au décor une petite touche texane. Normal : l'équipe d'Aix-en-Provence dans laquelle joue Sylvain est championne de France de football américain ! "Nous sommes invaincus depuis deux ans. Une performance qui commence à intéresser les sponsors."

Encore méconnu en France, le football américain est l'un des sports collectifs les plus spectaculaires qui soient. "Il faut s'entraîner chaque jour. La plupart de mes coéquipiers soulèvent ainsi 200 kg et courent le 100 mètres en 12 secondes, ce sont des athlètes !" Ce jour-là donc, les Argonautes d'Aix-en-Provence reçoivent les Lions de Bergame, une équipe italienne comprenant une majorité de joueurs professionnels américains naturalisés. Le score, 39 à 22, révèle une différence de gabarit. "C'est le physique qui a fait la différence, nous explique Sylvain, les joueurs de Bergame sont beaucoup plus lourds et costauds que nous. Il fallait au moins deux joueurs pour en bloquer un..." Car, dans le football américain, et contrairement au rugby qui est son plus proche parent, bloquer l'adversaire fait partie du jeu, même quand celui-ci n'a pas le ballon.

Cuirassés des pieds à la tête comme des gladiateurs, les joueurs, s'ils aiment le contact et poussent volontiers des cris de mammouths, ne sont pourtant pas des brutes, mais des athlètes disciplinés : "Chaque joueur doit connaître un nombre important de schémas tactiques, répétés à l'entraînement et applicables en match. Il n'y a pas d'improvisation."

Symbole de "l'Amérique qui gagne" auprès des jeunes, ce sport fait de plus en plus d'adeptes en Europe, particulièrement en Allemagne. Il s'avère être aussi un étonnant facteur d'intégration sociale : "Notre équipe par exemple regroupe toutes les classes sociales de la région aixoise : des camionneurs, des gardes du corps, des banlieusards, mais aussi des enseignants, des cadres, des citadins... En canalisant leur agressivité, les gars ont trouvé un équilibre personnel, ils se sentent bien dans leur peau et réussissent dans la vie."

Cet amour de Sylvain pour les valeurs du Nouveau Monde, on le retrouve aussi, bien sûr, dans son parcours de vigneron, totalement atypique. 

"Tout ce que je sais d'important en tant que vigneron, je l'ai appris en Californie et en Australie." Pardon ?! "Oui, cela paraît très étonnant qu'un Français puisse dire ça, mais c'est la vérité. D'abord, les Américains et les Australiens sont très bien organisés, ils ont inventé la traçabilité dans le vin. Ainsi, quand il y a un problème sur une bouteille, ils sont capables de retrouver la parcelle d'où vient le raisin, ce qui est impensable chez les grands producteurs français ! Ensuite, et surtout, ils m'ont révélé l'importance du choix de la vendange : les Australiens, notamment, prônent la surmaturité du raisin, ce qui donne au vin son fruité, sa rondeur, son opulence et sa sensualité."

Formé à l'école des grands vins de la Napa Valley (comme le montebello de Ridge Vineyards, le plus grand cabernet sauvignon de Californie) et d'Australie (comme le grange de Penfolds, la mythique syrah de la vallée de Bassora), Sylvain n'en demeure pas moins un authentique vigneron de Provence. Ses vins parfumés et concentrés* expriment un beau et vrai terroir. "Le domaine Richeaume a été créé en 1970 par mon père Henning Hoesch, un universitaire allemand qui enseignait le droit canon à Aix... Passionné d'écologie, il est l'un des tout premiers à avoir mis en pratique l'agriculture biologique en Provence, avec le domaine de Trévallon et le domaine des Terres Blanches. Grâce à lui, j'ai un sol vivant qui n'a jamais été désherbé chimiquement et des raisins magnifiques."

Alors, vins "technologiques" du Nouveau Monde contre vins "artisanaux" du vieux continent ? Culte anglo-saxon de la performance contre art de vivre à la française ? Pas si simple... Par-delà les clichés, Sylvain Hoesch, à sa manière, prouve que les cultures peuvent communiquer, coexister et s'enrichir mutuellement.

* Présentés comme emblématiques de la Provence par Jancis Robinson dans son Atlas Mondial du Vin.

© Texte et photo par E. Tresmontant

Site : www.viamichelin.com


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire