7 octobre 2007

"Geaux Tigers" en français pour les fans de LSU

 « Retardez vos montres de 4 secondes ».

Quelque part sur la frontière entre la Louisiane et le Mississippi, c’est par ces quelques mots que sont accueillis les automobilistes qui s’aventurent sur les terres des Bayou Bengals. Flashback. 1972. LSU, fort de son rang de n°6 au classement national, accueille Ole Miss dans un match électrique contre son grand rival de la SEC. A quatre secondes du terme de la rencontre, les Rebels mènent les Tigers 16 à 10. Une longue passe incomplète du QB de LSU Bert Jones semble sceller le sort du match mais (incompréhensiblement ?) l’horloge se fige sur une seconde, accordant miraculeusement une dernière tentative aux Tigers. Sur la passe suivante du QB Bert Jones au RB Brad Davis, le ballon termine sa course dans la end-zone, envoyant ainsi les locaux à la victoire finale 17-16. Une nouvelle page d’Histoire vient de s’écrire au Tiger Stadium…

Un palmarès bien fourni


L’histoire footballistique de LSU commence en 1893 avec l’avènement des Fighting Tigers en tant qu’Indépendants. Deux ans plus tard, LSU rejoint la Southern Intercollegiate Athletic Association (SIAA) qu’il remporte dès sa deuxième saison en 1896. Un deuxième titre suivra en 1908 avant que les Tigers ne quittent la conférence en compagnie de treize des trente équipes de la SIAA pour former la Southern Conference (SoCon) en 1922. Il faudra attendre dix ans pour que LSU gagne un nouveau titre, en 1932, année qui coïncide avec la création de l’actuelle Southeastern Conference (SEC) par LSU et douze autres universités de la SoCon. Les Bayou Bengals s’approprient dix titres de la SEC sur une période de 75 ans : 1935, 1936, 1958, 1961, 1970, 1986, 1988, 2001, 2003 et 2007. Avec la création des deux divisions East et West en 1992, LSU se voit offrir la possibilité d’étoffer son palmarès et remporte la division West à sept reprises : 1996, 1997, 2001, 2002, 2003, 2005 et 2007. 

Vainqueurs du National Championship Game du 7 janvier 2008, les LSU Tigers remportent leur troisième titre national après 1958 et 2003. Ils deviennent également la première équipe à s’imposer deux fois dans un match pour le titre depuis la création de la Bowl Championship Series (BCS) en 1998. 

Avec ses 692 matchs gagnés et son pourcentage de victoires de 64.1%, LSU se place au 12ème rang national des classements menés par Michigan (869/74.5%) et au 4ème rang de la SEC derrière Alabama (787/70.7%), Tennessee (778/69.5%) et Georgia (713/64.5%). 

Geaux Tigers !

Au pays des Cajuns, ces Français descendus d’Acadie pour s’installer en Louisiane, la francisation est devenue une tradition : les « Go Tigers » d’encouragement sont devenus des « Geaux Tigers », les pancartes « Geaux to Hell Ole Miss. Geaux to Hell » fleurissent à chaque venue des rivaux de Mississippi, les nouveaux venus sont rebaptisés à la française. Ainsi les coaches Gerry DiNardo et Nick Saban devenus « Gerry Dinardeaux » et « Nick C’est Bon ». 

Les étudiants de LSU sont de fervents, et le mot est faible, supporters de leurs Tigers. Chaque rencontre à Bâton Rouge est précédée d’une immense fiesta aux alentours du stade : barbecue, cuisine cajun et créole, musique, alcool, tentes, jeux, drapeaux, les fans installent un camping géant sur les parkings bordant Tiger Stadium et se parent de violet et d’or pour l’un des « tailgate » les plus réputés des Etats-Unis. Après avoir festoyé en chantant toute la journée, les tailgaters se rendent dans l’antre du Tigre pour encourager leurs Bayou Bengals adorés.

Tiger Stadium, bienvenue en enfer

Le stade de Bâton Rouge, capitale de la Louisiane et hôte de la Louisiana State University, possède une double particularité : les poteaux y ont conservé une forme en « H » (la forme en « Y » est devenue la norme sur quasiment tous les terrains de football américain), ce qui permet aux Tigers de pénétrer sur la pelouse en passant au travers des poteaux, et le marquage au sol des yards y est indiqué tous les cinq yards, contre dix habituellement. Ce n’est pourtant pas ces particularités qui effraient tant les visiteurs du Tiger Stadium. Ni que LSU soit la seule équipe du College Football qui ait l’autorisation de jouer son match d’ouverture et ses matches de conférence à domicile avec des maillots blancs, contrairement à la directive de la NCAA qui oblige les équipes jouant à domicile à porter des maillots de couleur. 

Ce qui refroidit tant les ardeurs de ses adversaires c’est que le stade de LSU est un cauchemar pour les équipes qui viennent y défier les Fighting Tigers. Ses 92400 places ne le positionnent qu’au troisième rang de la SEC et au sixième rang national en terme de capacité, mais peu d’adversaires nieront ne pas y avoir ressenti une pression du public incomparable sur tous les stades de College Football. Tiger Stadium est régulièrement classé par la presse spécialisée parmi les stades les plus terrifiants et nombre de coaches et de joueurs le reconnaissent être l’endroit où il est le plus difficile de jouer. Son surnom actuel de « Death Valley » (Vallée de la Mort) parle de lui-même. 

L’appellation est en réalité une distorsion de son pseudonyme initial de « Deaf Valley », la vallée des sourds. Référence au vacarme ahurissant des fans des Tigers sur les phases de jeu cruciales. Un concert de rock génère un bruit pouvant atteindre les 110 dB, soit déjà cent fois plus intense que le seuil de pénibilité. C’est toutefois dix fois moins que le seuil de douleur de 120 dB, lui-même deux fois plus faible que les 123.4 dB enregistrés au Tiger Stadium le 8 septembre 2007 lors du match nocturne contre Virginia Tech et près de dix fois moins que les 129.8 dB du match du 6 octobre 2007 contre Florida. Vous avez dit bruyant ?

Le jour où la terre a tremblé

Mais le Tiger Stadium a été témoin d’un événement plus extraordinaire encore que le tintamarre orchestré par les fans en furie. 8 octobre 1988, le n°4 Auburn rend visite à LSU avec des espoirs de titre national plein la tête. Menés 6-0 en fin de quatrième quart-temps par une équipe d’Auburn très défensive, les Fighting Tigers marquent le TD de la victoire à 1:41 du terme du match sur une passe du QB Tommy Hodson à son RB Eddie Fuller. La réaction de la foule surchauffée est une immédiate explosion de joie… sismique. En effet, à 300 mètres de là, le séismographe du complexe de géoscience Howe-Russell de l’université de LSU enregistre une secousse sismique qui coïncide parfaitement avec l’instant du TD vainqueur… Pas un fan de LSU et pas un des acteurs sur le terrain n’a oublié ce soir d’octobre et ce match surnommé depuis lors « Le match du Tremblement de Terre » (Earthquake Game).

Katrina

Propriété de l’université de Louisiana State, le Tiger Stadium a accueilli les voisins professionnels de la Nouvelle-Orléans pour quatre de leurs matches à domicile après le passage dévastateur de l’ouragan Katrina le 29 août 2005 sur la capitale mondiale du jazz (les autres matches des Saints ont été joués à l’Alamodome de San Antonio). Le passage de Katrina a également perturbé la saison 2005 des Tigers dont les installations sportives ont été réquisitionnées pour supporter l’aide apportée aux réfugiés de N’awlins. Le match d’ouverture du 3 septembre contre North Texas a ainsi dû être reporté au 29 octobre tandis que la seconde rencontre à domicile du 10 septembre face à Arizona State s’est disputée à Tempe, sur le terrain des Sun Devils.

Cette délocalisation pour un match à domicile n’a pas empêché LSU de s’imposer (35-31) grâce à un TD de la dernière chance marqué par le WR Early Doucet sur une passe du QB JaMarcus Russell mais elle aura privé les Bayou Bengals de leur supporter n°1 : le tigre Mike ! 

Mike le Tigre 


C’est en 1896 que LSU adopte le tigre comme mascotte officielle. Le choix du tigre rend hommage aux troupes confédérées de Louisiane de Robert E. Lee dont la bravoure au combat leur valut la flatteuse comparaison au puissant félin. En 1924, un ancien élève fait don à l’université d’un tigre prénommé « Little-Eat-‘Em-Up ». Douze en plus tard, en 1936, le préparateur physique Mike Chambers contribue à faire venir à Bâton Rouge un tigre du Bengale qui sera nommé Mike en son honneur. Suivront cinq autres tigres, trois du Bengale (Mike II à IV) puis deux croisés, l’un Bengale-Indochine (Mike V), l’autre Bengale-Sibérie (Mike VI). Chaque arrivée d’une nouvelle mascotte est annoncée depuis l’Ecole Vétérinaire par une fumée blanche comparable à celle qui signale à Rome l’élection d’un nouveau Pape.

Le tigre Mike jouit d’une popularité sans précédent à Bâton Rouge. Plus de cent mille visiteurs se pressent chaque année pour venir voir Mike dans son habitat de 1500 mètres carrés et trois millions de dollars au cœur du campus de LSU. La « maison » de Mike comporte un chêne, une petite chute d’eau et une rivière se déversant dans un bassin pour que le tigre puisse profiter des plaisirs aquatiques. Le tout est agrémenté d’une webcam, la Tigercam, afin que les fans puissent admirer leur mascotte préférée en toute occasion. Un centre d’information du public et des programmes de recherche et de préservation des tigres sont également connectés au complexe.

Si Mike bénéficie d’une demeure de grand luxe, il est aussi choyé par l’Ecole Vétérinaire de LSU. Tous les deux ans, deux étudiants sont choisis pour s’occuper du félin. Nourriture, soins, nettoyage de l’habitat, le dévouement doit être total 365 jours par an. C’est aussi aux deux étudiants qu’incombe la charge de faire monter Mike dans sa cage roulante pour l’emmener aux matchs de LSU. Des dires mêmes des nounous du tigre, Mike est toujours aux abois lorsqu’approche sa cage et il ne se fait jamais prier pour y grimper. 


La tradition veut que la cage de Mike fasse le tour du terrain avec la troupe des cheerleaders postée sur son toit. Lorsque Mike croise la mascotte en costume de tigre de LSU il rugit de haine à l’encontre de son alter-ego humain. La légende affirme que chaque rugissement annonce un touchdown marqué par les Tigers pendant le match. Il est également d’usage de stationner la cage de Mike à coté des vestiaires adverses, obligeant ainsi l’équipe visiteuse à passer devant le tigre pour rejoindre ses quartiers. 

Si le tigre Mike participe pleinement au folklore et à la fête qui envahit le campus de LSU à chaque rencontre, le félin n’est pas exempt de drames, petits ou grands. Dans les années 50, les étudiants de Tulane enlèvent Mike I avant la confrontation entre les Tigers et le Green Wave. Le félin est retrouvé abandonné dans la Nouvelle-Orléans, peinturluré du vert de Tulane. Son successeur Mike II meurt à l’âge de deux ans, après une seule année de règne à Bâton Rouge. La mort de Mike III, après 18 ans de bons et loyaux services, traumatise quant à elle tellement les étudiants de LSU que son vétérinaire promet solennellement qu’aucun tigre ne mourra plus jamais sur le campus. En 1981, des plaisantins ouvrent la cage de Mike IV, lequel se paie une bonne petite promenade matinale sur le campus avant d’être finalement capturé près du stade d’athlétisme. Mike V est le premier tigre de LSU à bénéficier d’un programme de retraite en trois étapes : dans un premier temps le tigre arrête de participer aux festivités d’avant-matchs, puis il cesse d’assister aux rencontres pour enfin se retirer dans un lieu de retraite hors du campus. Arrive alors son remplaçant qui perpétue la tradition. C’est désormais Mike VI qui endosse le rôle de mascotte officielle pour LSU. Avec un poids adulte estimé à près de 300 kilos, il sera le plus imposant de tous les tigres de LSU, de quoi donner des sueurs froides à quiconque osera venir défier les Fighting Tigers sur leurs terres du Tiger Stadium. 

Rivalités acerbes

Si l’on est habitué aux joutes sans merci que se livrent ces dernières années LSU et Auburn ou Florida, le vrai rival historique des Fighting Tigers est le Green Wave de Tulane, basé à la Nouvelle-Orléans à 130 kilomètres de Bâton Rouge. Depuis 1893, les deux universités de Louisiane se disputent le « Tiger Rag », un drapeau arborant leurs logos respectifs ainsi que le sceau de l’état de Louisiane en son centre. En 96 derbys, LSU l’a emporté 67 fois contre 22 défaites et 7 matchs nuls. Le premier match de football de LSU s’est d’ailleurs disputé contre Tulane en 1893, une rencontre remportée sur ses terres par le Green Wave 34 à 0.

Ce n’est pourtant pas le Green Wave qui est l’adversaire le plus fréquent de LSU mais les voisins du Mississippi, les Mississippi State Bulldogs. Si l’on excepte les périodes de guerres mondiales, les deux universités s’affrontent chaque année depuis 1905. Les Tigers mènent largement à la marque, 65 victoires à 33 et 3 matchs nuls.

Au sein de la SEC, c’est l’autre université du Mississippi, Ole Miss, qui s’avère être le plus gros rival des Bayou Bengals. Dans cette série débutée en 1894, LSU s’est imposé à 55 reprises contre 37 succès des Rebels et 4 nuls. Avec sept victoires sur les huit derniers matchs, la balance penche récemment fortement du coté des Tigers, dont les fans ont désormais tendance à déconsidérer l’importance de la rivalité.

Les rivaux de poids de LSU dans la SEC se situent plutôt du coté d’Arkansas (33V-18D-2N) qui a notamment remporté cette année une rencontre épique à Bâton Rouge après trois prolongations, d’Auburn (22-19-1) où LSU n’a plus gagné depuis 1998, d’Alabama (23-43-5) contre qui LSU reste sur cinq victoires consécutives et de Florida (23-28-3) avec qui LSU était classé dans le Top 25 de l’Associated Press lors de leurs six dernières confrontations.

Hormis Alabama, les bêtes noires de LSU sont Georgia Tech (6-12-0), Florida State (2-7-0), Tennessee (7-20-1) et Nebraska (0-5-1) que les Tigers n’ont jamais battu. Contre les autres puissances traditionnelles du College Football, LSU a l’avantage sur Georgia (14-11-1) ou Miami (9-3-0), il partage les points avec Notre Dame (5-5-0), Oklahoma (1-1-0), USC (1-1-0) et Ohio State (1-1-1), mais a gagné le match le plus important de la série contre les Buckeyes pour remporter le titre national en 2007, et n’est mené que de peu par Texas (7-9-1) et Penn State (0-1-0). Enfin, LSU n’a jamais affronté Michigan, l’équipe la plus victorieuse du College Football. 

Légendes de LSU


Il n’y aurait pas de grands matchs sans grands joueurs. Si LSU peut se targuer d’avoir produit 36 All-Americans le plus célèbre d’entre eux est sans conteste le RB Billy Cannon (1957-1959), vainqueur du trophée Heisman en 1959 et large contributeur au titre national de 1958. Impliqué dans une fraude aux faux billets de banque, l’unique Heisman de LSU se verra refuser l’intronisation au College Football Hall of Fame. Il ne rejoindra donc jamais les dix autres Tigers (cinq joueurs et cinq coaches) dont les noms figurent en bonne place au panthéon du College Football : QB Doc Fenton (1904-1909), RB Abe Mickal (1933-1935), E Gaynell Tinsley (1956), E Ken Kavanaugh (1937-1939) et DB Tommy Casanova (1969-1971) coté joueurs et Dan Bible (1916), Michael Donahue (1923-1927), Lawrence Jones (1932-1934), Bernie Moore (1935-1947) et Charles McClendon (1962-1979) pour les coaches.

Parmi ceux-ci, le DB Tommy Casanova a été élu dans l’équipe du siècle par la Walter Camp Football Foundation, fondation qui décerne également annuellement un Award au meilleur joueur de la saison. Le coach Charles McClendon est celui qui compte le plus grand nombre de victoires à la tête de LSU (137), suivi de Bernie Moore (83) et plus récemment Nick Saban (48 sur la période 2000-2004). Nick Saban est l’un des deux coaches de LSU à avoir été élu entraineur de l’année en remportant le Paul Bear Bryant Award en 2003. Il partage cet honneur avec Paul Dietzel (1955-1961), vainqueur en 1959. Coté efficacité, c’est l’actuel coach Les Miles qui détient le meilleur pourcentage de victoires avec 85%, mieux que Nick Saban et Bill Arnsparger (1983-1986) et leur 75%. 

En trois ans à LSU, Les Miles a remporté 34 de ses 40 matchs, deux titres de division, un titre de conférence, trois bowls dont deux BCS et un titre national. Pressenti partant pour succéder à Lloyd Carr à la tête de Michigan fin 2007, l’ancien homme de ligne offensive et assistant coach des Wolverines a résisté à l’appel du pays pour emmener ses troupes jusqu’au titre suprême. Histoire de prouver que la Louisiane est aussi une terre de football où l’appétit de titres semble ne pas avoir de limites. Les tigres n’ont pas fini de rugir du coté de Bâton Rouge…

Article de Blaise Collin


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