7 avril 2011

Notre Dame fondée par un français


Touchdown Jesus

Onze titres universitaires, 23 victoires consécutives, 7 Heisman Trophy et 70 All Americans, que des records !

Aux Etats-Unis, aucune autre université ne déclenche les mêmes enthousiasmes et ne provoque autant de jalousies. Sur les chaînes de télé, ses matches sont ceux qui sont le plus souvent retransmis, en raison des millions de fans qui sont demandeurs. A South Bend, Indiana, ses rencontres se jouent à guichets fermés depuis 1966 !

Notre-Dame, c’est le football et la religion. Plus exactement, le catholicisme et le football. Un mélange de bravoure et de mysticisme, de tradition arrogante et d’intime conviction que la Vierge Marie (Sinon Dieu lui-même) joue dans votre camp. Le campus a sa « grotte », exacte réplique de la grotte de Lourde, où des centaines de cierges sont allumés par les supporters quand les Irish jouent à domicile. Face au stade, sur un des murs de la bibliothèque, une gigantesque mosaïque de huit étages représente Jésus-Christ entouré de ses disciples. Les étudiants l’ont surnommé « Touchdown Jesus ». Non loin de là, montant la garde prés de la Library, un Moïse statufié lève un doigt au ciel pour menacer les Israëlites en train d’adorer le veau d’or. Pour les fans, ce geste, détourné, est désormais interprété de la facon suivante : « Moses, we are number one ! »

Fondée par un père français

« L’esprit Notre-Dame, c’est surtout une tradition », explique Tony Rice, ancien QB de l’équipe. « Regardez autour de vous », dit-il en montrant les murs du vestiaire. « Il est impossible de ne pas sentir le poids de cette tradition. Quand vous marchez dans le tunnel, vous entendez les échos du Gipper, des quatre Cavaliers et de tous les autres monstres sacrés… »

C’est en 1848 que le père Edouard Sorin, un Français, a fondé une école catholique en plein milieu de la grande prairie du Midwest. Ce campement fut dédié à Notre-Dame de Lourdes. Trois vilaines cabanes de rondins, miraculeusement préservées, servaient de salle de classe aux enfants des pionniers.

Prés de 150 ans plus tard, l’université de Notre-Dame est la plus importante institution d’études catholiques des USA. Budget annuel : 250 millions de dollars. Le père Sorin peut reposer en paix.

Pourquoi pas «Fighting French» ?

Si je vous dis que les « Fighting Irish » de Notre Dame auraient du s’appeler « les Fighting French », vous me croyez ?

Vous ne le saviez peut-être pas mais l’université fut fondée officiellement en 1842 par un missionnaire français originaire de Laval : Père Edouard Sorin. Ce dernier choisit de venir prêcher la bonne parole dans l’Indiana avec six autres frères.

Vous allez me dire : « qu’était-il venu faire dans ce coin d’Amérique plutôt qu’aller évangéliser des pays plus exotiques et lointains ? ». A l’époque, l’Amérique du Nord constitue le nouveau monde et le clergé européen sent bien que la roue tourne. Beaucoup d’endroits du Middle West sont encore en friche et il faut prendre la place sinon ce sont les églises protestantes (les Mormons étaient déjà activement à l’œuvre) qui viendront faire le boulot.

Un français aux USA ! Pas surprenant à vrai dire. A cette époque, les Français jouissent d’une bonne réputation. Cette jeune nation américaine vient à peine de conquérir son indépendance avec l’aide de Lafayette, Rochambeau et quelques autres. Sans eux, les USA serait peut-être encore un état du Commonwealth et Obama, un gouverneur-général de sa majesté. Est-il utile de rappeler qu’à l’arrivée de Père Sorin, les USA sont toujours en conflit avec les Anglais au sujet des frontières du Canada (les heurts sont nombreux) ou la possession de l’Ile de Hawaii.

Et puis l’Indiana ce n’est pas n’importe quel endroit. Découvert par les explorateurs français un siècle plutôt, ce nouvel Etat faisait parti autrefois de la vallée de l’Ohio qui a gardé un bon souvenir de ces trappeurs français. Ces derniers ont été les premiers défricheurs puis fondateurs (ex : le Gascon Lamothe Cadillac qui fonde Détroit). Sans parler de la bonne image que gardait les Français auprès de tribus indiennes avec les alliances d’autrefois (voir la vie de Kateri Tekakwitha, première sainte amérindienne béatifiée par Jean-paul II, celle du chef indien Pontiac ou le chef Kondiaronk,…)

Allez, mon petit couplet sur l’Amérique française : si, si ! Ca me pèse grave tellement je n’aime pas la politique anglaise à travers l'histoire… lol

On nous bassine avec les Anglais et leurs 13 colonies fondatrices mais on oublie le rôle des français (je ne parle même pas de Christophe Colomb sensé avoir découvert l’Amérique alors qu’il n’a foutu les pieds qu’en Amérique centrale).

Hé, ouais ! On n’a pas découvert l’Amérique du Nord mais c’est nous qui l’avons exploré les premiers pour une majeure partie.

D’abord par nos explorateurs célèbres (Cartier, Cavelier de La Salle, Marquette, …) mais surtout grâce à tous ces anonymes que l’on appelait les trappeurs et autres coureurs des bois. Si bien qu’en 1750 environ la moitié du continent Nord américain nous appartenait (voir cette carte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Nouvellefrance-V2.jpg). C’est le fameux « Empire Français d’Amérique » connu aussi sous le nom de « Nouvelle France » ou « Louisiane française » (comprenez France du Roi Louis).

Seulement voilà, le Français est trop gentil et au lieu de pratiquer une colonisation brutale comme les Anglais, on préféra laisser les indiens en paix en nouant des traités d’alliance pacifique avec la nation indienne. Si bien qu'avec nos 90 000 français sur place (dont 90% au Québec), il était difficile de contrôler tout cet espace et rivaliser avec les 2 millions d’anglais (plus à l’Est) qui n’ont pas tardé à tout nous piquer lors de la « French & Indian War » opposant les Anglais à l’alliance franco-indienne.

40 ans plus tard, Napoléon finira le travail en « basardant » le reste des nos territoires pour une bouchée de pain.

Mais revenons à notre Père Sorin. Il crée son institution prés de la ville de South Bend (ville d’ailleurs fondée encore par un français : Alexis Coquillard). Le site est au bord d’un lac d’où le premier nom : Notre Dame du Lac. D’abord occupée par de futurs séminaristes, elle accepte en son sein des laïcs au fur et à mesure. Elle devient vite une université catholique réputée. Et c’est bien cela le problème… Les émigrés catholiques qui arrivent ne sont pas francophones et la fac se retrouve très vite sollicité par la plus grosse communauté catholique du pays : les Irlandais.

Et ce qui devait arriver, arriva. Le tournant historique qui va miner pour l’éternité les fans français de Notre Dame. Le 23 novembre 1887, c’est le premier match de la section football contre un groupe d’étudiant de l’université de Michigan. Il faut trouver un nom pour cette équipe. Personne ne se foule vraiment les méninges et le nom de « Catholics » est retenu. Un drame. Il n’aurait pas été absurde de les appeler « Sorin’s Boys » ou « French missionaries», mais non !

La suite on la connaît… La fac va vite devenir le repère des catholiques irlandais (ou assimilés comme tels) avec tous les préjugés racistes et xénophobes qui leur collent à la peau à cette époque. Même le Ku Klux Klan viendra faire des razzias sur le campus pour mater les « adorateurs de la Sainte Vierge ». Réglement de compte historique aussi car Père Sorin avait pris immédiatement parti pour les Nordistes abolitionnistes et il avait mis à la disposition des armées nordistes 90 sœurs, comme infirmières aux armées.

Un jour, selon la tradition, un meneur de l'équipe se serait écriait « Qu’avez vous donc aujourd’hui ? Vous êtes tous irlandais mais vous vous comportez comme des lavettes ». Un reproche pris comme un aveu pour les fans de Michigan qui avaient tout entendu sur le bord de touche. Le slogan des adversaires de ND (et disons le clairement, de certains protestants racistes) était donc tout trouvé : « Kill the Fighting Irish ! » que l’on retranscrirait dans le langage actuel par « Cartonnez (défoncez, explosez,…) ces voyous d’irlandais ».

L’histoire est en marche et l’épopée de Père Sorin et ses missionnaires français tombe dans les oubliettes de l’histoire avec un grand « H » comme un peu la présence française aux USA, fusse un temps.

Kill the fighting irish

Pourtant, les catholiques ont eu la vie dure. Au début du siècle, dans une nation de souche protestante (Les fameux White Anglo Saxon Protestants) les cathos sont la minorité honnie. Lorsque la petite fac de Notre-Dame se lance dans le football, elle offre une raison d’espérer à tous les déshérités catholiques. Surtout les irlandais, considérés comme indésirables.

Tous les flics et les ouvriers appelés O’Malley ou Kelly se sont sentis soulevés par les victoires de Notre-Dame, qui est devenue une cause plus qu’une école.

En 1905, lorsque Northwestern reçoit Notre-Dame, le chant de guerre de ses supporters est une invitation au meurtre : « Kill the fighting Irish ! » hurlent-ils. Tuez ces bagarreurs (comprenez voyous) d’Irlandais ! La légende va naître à ce moment car ceux sont eux qui vont l’emporter 5-0. Le lendemain, par défi, ils adoptent ce surnom de « Fighing Irish ».

George GIPP, un type un peu fou

Une légende en appelle d’autres. George Gipp, dit « The Gipper », premier All-American élu à l’unanimité, half back extraordinaire, vedette phare de la fin des années 1910. GIPP, un type « déganté », incontrôlable, buveur, fumeur, noceur et parieur invétéré (rien que ça !) mais qui rushe sur 2341 yards, en 23 matchs. Une performance dépassée en 1978 seulement. Et encore, il a fallu quatre saisons à Heavens pour y parvenir.

« Rock, je sens que je m’en vais . » Le 14 décembre 1920, à 25 ans, Gipp s’éteint sur son lit d’hôpital. Knute Rockne, son coach, est à ses côtés. « Mais ça va », poursuit Gipp. « Je n’ai pas peur. Un jour, Rock, quand l’équipe sera en difficulté, va voir les gars et dis-leur de tout donner et gagner pour le Gipper. Je ne sais pas où je serai, mais je le saurai et je serai bien. » La scène, véridique, a ému des générations d’Américains. Elle a même été immortalisé au cinéma par … Ronald Reagan.

Il y eu ensuite les Quatre Cavaliers. Les Four Horsemen (Stuhldreyer, Miller, Crowley et Layden). Quatre fabuleux joueurs qui passèrent à la postérité en posant sur 4 chevaux noirs après un succès retentissant sur Army, en octobre 1924. On les surnommait la Famine, la Peste, la Destruction et la Mort.

7 Heismans

Depuis ces temps anciens, Notre-Dame n’a eu de cesse de générer une liste folle de monstres sacrés. Mesure-étalon : les Heisman Trophy. Notre-Dame en a sorti sept : Angelo Bertelli (43), John Lujak (47), Leon Hart (49), John Lattner (53), Paul Hornung (56), John Huarte (64), Tim Brown (87). Sans parler des inombrables joueurs qui ont essaimé la NFL, dont un certain Joe Montana.

Les maîtres-mot de la philosophie à Notre-Dame c’est la foi et la discipline. A Notre-Dame, les garçons et les filles ont chacun leur dortoir. Après 23 heures, la mixité devient un délit grave. Le football n’échappe pas à l’ambiance en vigueur sur le campus. « Le football n’a la priorité que trois heures par jour, ici les études priment. », souligne le coach. A Notre-Dame, 98 % des joueurs reçoivent leur diplôme après quatre ans d’études. Attention, le rectorat ne supporte pas les cancres. Il n’est pas rare de voir des joueurs mis sur la touche et renvoyé à leur chères études pour manquements à leurs devoirs scolaires. Rigueur dans les études et fighting spirit sur le terrain, voilà l’image que veut conserver la fac. De toute façon, les fans sont rassurés la Vierge protège le campus et le Golden Dome. (Marc Chalamet).

Lou Holtz, coach légendaire de ND


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